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Le pape dont Guicciardini fait un tel portrait, était ce Paul V, sous le pontificat duquel Sarpi fut assassiné à Venise par des sicaires qui ensuite trouvèrent asile dans les états de l’église. On sait que, par ses dissensions avec la république de Venise, ce pape fut sur le point de bouleverser l’Italie, et que, pour soutenir ses violences théologiques, il fit périr sur l’échafaud d’illustres victimes qu’il avait attirées à Rome par trahison. Galilée, qui persistait, après la sentence contre Copernic, à rester à Rome et à soutenir le système du mouvement de la terre avec cette ardeur que donne le culte de la vérité, qu’il professa toujours, aurait peut-être fini par payer cher son insistance, si le grand-duc n’eût résolu de le soustraire promptement aux dangers qui le menaçaient. Une lettre qu’il lui fit écrire par son secrétaire, et où les moines n’étaient pas ménagés, décida enfin le philosophe à revenir en Toscane.

Galilée renouvela alors les propositions qu’il avait déjà faites en 1612 au roi d’Espagne, relativement à la détermination de la longitude en mer à l’aide des satellites de Jupiter. Après vingt années environ de négociations, il dut se convaincre qu’on ne comprenait pas même sa méthode, et nous verrons plus tard qu’il n’obtint pas plus de succès en s’adressant à la Hollande. La sentence de l’inquisition, et la haine dont il était l’objet, ne firent que fortifier ses dispositions naturelles à ne pas publier ses recherches, qu’il se bornait à communiquer à ses amis dans des lettres qui étaient copiées et répandues dans toute l’Europe. L’apparition de trois comètes en 1618 ne pouvait manquer de fournir à son esprit un sujet de méditation ; mais étant indisposé à cette époque, et ne voulant pas d’ailleurs s’exposer à de nouvelles tracasseries, Galilée se borna à faire connaître ses idées à diverses personnes, et entre autres à Marius Guiducci, consul de l’académie de Florence. Guiducci publia une dissertation sur les comètes où l’on critiquait un jésuite influent, le père Grassi, qui, dans un opuscule sur le même sujet, n’avait pas fait mention de Galilée à propos des dernières découvertes astronomiques. Cette attaque contre les jésuites fit trembler avec raison les amis de Galilée. Grassi répondit et alla chercher le maître derrière le disciple ; alors Galilée, bien que souffrant, écrivit en réponse le Saggiatore, qui, suivant les règlemens de l’académie des Lincei, dont Galilée était le principal ornement, fut publié à Rome par les soins de cette société. Grassi, vivement irrité, répliqua de nouveau, et, comme il se trouva devant un adversaire qui peut-être n’a jamais eu d’égal dans la polémique scientifique, il ne cessa, pour se venger, de susciter des ennemis à Galilée.