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GALILÉE.

la persécution qu’il avait commencée du haut de la chaire et au grand jour. Soutenu par le prince Cesi, président de l’académie des Lincei, Galilée cherchait, à l’aide du raisonnement et de l’expérience, à démontrer la vérité du système de Copernic ; mais son activité et le zèle dont il était animé pour le triomphe de la vérité, lui nuisirent. Le cardinal Orsini, qui seul osa élever la voix auprès du pape pour défendre ce système, fut accueilli froidement, et on alla même jusqu’à lui imposer silence. Enfin, le 5 mars 1616, la congrégation de l’Index suspendit le livre de Copernic jusqu’à ce qu’il fût corrigé, interdit l’écrit du père Foscarini en faveur de Galilée, et prohiba en général tous les ouvrages où le mouvement de la terre serait soutenu.

Galilée n’avait publié aucun ouvrage où ce mouvement fût adopté, et le décret ne pouvait l’atteindre. Cependant on répandit que le philosophe toscan avait dû abjurer et qu’il avait été puni. Pour répondre à ces bruits, il se fit délivrer un certificat par le cardinal Bellarmin. Cette pièce porte que Galilée n’avait été condamné en aucune manière, mais qu’on lui avait notifié la déclaration du pape promulguée par la congrégation de l’Index, et d’après laquelle l’opinion du mouvement de la terre était déclarée contraire à l’Écriture sainte, et qu’il était défendu de la soutenir.

Une telle sentence, rendue par des hommes qui n’avaient aucune notion d’astronomie, exaspéra Galilée ; mais le pape se déclara si ouvertement contre lui, que Guicciardini, ministre de Toscane à Rome, crut devoir rendre compte au grand-duc des dangers auxquels on pouvait s’exposer en protégeant encore Galilée. La lettre qu’écrivit à ce sujet l’ambassadeur ne fait pas honneur à son courage : elle est très curieuse. Après avoir parlé de la condamnation et des circonstances qui l’ont amenée, Guicciardini dit que le ciel de Rome est fort dangereux, surtout « sous un pape qui abhorre les lettres et les talens, et qui ne peut souffrir ni les nouveautés ni les subtilités, de sorte que chacun cherche à l’imiter, et que ceux qui savent quelque chose, s’ils ont un peu d’esprit, font semblant d’être ignorans pour ne pas donner des soupçons et pour éviter d’être persécutés. » Il ajoute que les moines sont ennemis de Galilée, et qu’en restant à Rome, celui-ci pourrait mettre dans l’embarras le gouvernement toscan, qui s’est toujours fait remarquer par sa déférence envers l’inquisition. Il prie le grand-duc d’engager le prince Charles, son frère, que le pape venait de nommer cardinal et qui devait aller à Rome, à fuir les savans, et il répète que le pape les aime si peu, que chacun s’efforce de paraître ignorant. Enfin, il montre le péril qu’il y aurait pour le nouveau cardinal à prendre Galilée sous sa protection.