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Après la publication de l’ouvrage qui contenait des observations si intéressantes, si inattendues, Galilée s’occupa de Saturne ; et l’imperfection de son télescope, qui n’avait pas un grossissement suffisant, ne lui permettant pas de distinguer la forme de l’anneau, il crut que les deux parties de cet anneau qu’il voyait en saillie sur le corps de la planète y adhéraient, et que cet astre était tricorps. Il annonça cette observation par un anagramme que personne ne devina et dont l’empereur Rodolphe II fit demander l’explication. Ces découvertes, qui se succédaient avec une si étonnante rapidité, excitèrent à la fois l’émulation et l’envie de plusieurs savans, l’admiration des amis de Galilée et les clameurs de ses ennemis. On fit des tentatives malheureuses pour trouver de nouvelles planètes ou du moins des satellites, et dans l’impossibilité d’y réussir, on annonça avec pompe des astres qui n’étaient point nouveaux. Le grand-duc de Toscane témoigna par de riches présens sa satisfaction au professeur de Padoue, et le roi de France lui fit demander des astres qui porteraient son nom. Les poètes célébrèrent à l’envi les découvertes de l’illustre astronome, et on représenta les satellites de Jupiter dans des ballets et des mascarades. Ces faits divers montrent quelle était l’impression produite par de telles découvertes dans toutes les classes de la société. Cependant les péripatéticiens les nièrent avec colère. Il semblait qu’il n’y eût qu’à regarder pour être convaincu ; mais les uns ne voulurent pas mettre l’œil à une lunette, les autres prétendirent que ce n’étaient là que des espèces d’illusions diaboliques produites par les verres des télescopes. L’ignorance le disputait ainsi à la mauvaise foi.

Devenu célèbre par de si brillans travaux, vivant dans l’aisance que lui procurait l’exercice de ses talens, entouré d’amis puissans et dévoués, Galilée semblait irrévocablement fixé à Padoue, et destiné à vivre désormais sous les lois de la république de Venise ; car nulle part il ne pouvait trouver autant de liberté pour ses opinions philosophiques, ni des amis tels que Sagredo et Sarpi. Admirateur de ce grand astronome, et plein d’enthousiasme pour la nouvelle physique, Sagredo n’avait pas cessé un seul instant de l’appuyer dans le sénat de toute l’autorité de son nom, de toute l’influence de sa famille. Sarpi, que son histoire du concile de Trente a rendu si célèbre, aimait et cultivait les sciences avec succès : esprit universel, il s’est occupé à la fois d’astronomie, d’algèbre, de physique, d’anatomie, et s’est associé à quelques-unes des plus importantes découvertes qui ont été faites de son temps. La grande réputation dont il jouissait