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DU GOURVERNEMENT REPRÉSENTATIF.

gouvernement représentatif ? Malheureusement non. Chez nous, l’idée de conquérir le ministère à la pointe de l’épée, en quelque sorte, et par des combats journaliers, paraît encore à beaucoup une idée étrange et presque révolutionnaire. D’autres la croient juste et bonne en théorie, mais à condition de la pratiquer le moins possible. Excepté dans quelques grandes occasions, on aime mieux s’effacer, se taire, et attendre qu’un incident inattendu arrache le pouvoir aux mains qui le possèdent. La conséquence, c’est que les discussions s’éteignent, que les opinions s’engourdissent, que les influences se perdent, que les partis se décomposent. Pour tenir long-temps unis un certain nombre d’hommes, il faut autre chose que quelques souvenirs et quelques espérances. Il faut, par la discussion publique, remuer sans cesse en leurs ames les sentimens qui leur sont communs, réveiller en leurs esprits les idées qui leur servent de lien ; il faut, en un mot, donner à l’association que l’on veut faire vivre un aliment quotidien. Autrement le découragement s’empare des plus fermes, et le pays regarde avec indifférence un spectacle auquel il ne comprend plus rien.

Avant de nous en prendre aux institutions et aux lois, sachons donc, députés et électeurs, majorité et opposition, réformer nos propres habitudes, et nous servir des instrumens que la constitution met entre nos mains. Cherchons aussi si l’organisation administrative telle que l’empire nous l’a léguée, et le gouvernement représentatif tel que nous le concevons d’après l’exemple de l’Angleterre, sont conciliables de tout point. Travaillons enfin à faire pénétrer dans toutes les classes, dans celle surtout qui est appelée à gouverner, l’intelligence aussi nette que possible des devoirs que cette destinée lui impose, et des conditions auxquelles elle peut l’accomplir utilement pour le pays, et glorieusement pour elle. En supposant les circonstances les plus favorables, le succès, nous devons nous y attendre, ne peut être que lent, pénible, incomplet. Mais même pour un tel succès, ce n’est pas trop de tous nos efforts, de toute notre persévérance. Il y a seize mois à peine, la chambre des députés, dans son adresse proclamait à la presque unanimité le triomphe du gouvernement parlementaire ; aujourd’hui des voix ministérielles, dans l’une et dans l’autre chambre, dénoncent ce gouvernement à la France comme déplorable et funeste. N’est-ce pas la preuve évidente que depuis seize mois le gouvernement parlementaire, loin de gagner du terrain, en a perdu, et que nous recueillons le fruit de nos