Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

de l’amiral dans ces parages avec la flotte, et exprimant le désir qu’une personne dûment accréditée fût envoyée pour recevoir des mains de l’amiral la lettre adressée par le gouvernement de sa majesté britannique à la cour de Péking. Une flottille de six canots bien armés, mais ayant la précaution de cacher leurs armes, fut envoyée le lendemain à l’embouchure du Pey-ho avec la lettre de l’amiral. Les instructions étaient d’obtenir, s’il était possible, une conférence, et de s’assurer de l’état des choses. À l’entrée de la rivière, on remarqua, sur chaque rive, un fort mal construit, à moitié ruiné, et qui n’était armé que de quelques canons en apparence hors de service. Cependant à mesure que les canots approchaient, on put s’apercevoir que tout était en mouvement sur les forts. On voyait apporter des djendjâls[1], qu’on plaçait à intervalles le long des remparts, et tout semblait prendre une apparence hostile. Le souvenir de ce qui venait de se passer à Amoy[2], dans des circonstances semblables, fit songer à s’emparer de quelque indigène pour porter une lettre à terre, et attendre le résultat. Mais l’extrême terreur causée par l’apparition des embarcations anglaises ne permit pas de communiquer avec le petit nombre de bateaux pêcheurs qu’on avait vus, et la flottille continua à avancer, quand enfin on aperçut un bateau monté par deux mandarins, faisant voile à la rencontre de la flottille ; on agita le pavillon parlementaire pour les encourager, et ils vinrent immédiatement le long du bord de l’embarcation montée par M. Morrison, et entrèrent en conférence avec lui. Ils consentirent à se charger de la lettre de l’amiral, expliquant en même temps que le vice-roi de Pé-tchi-li, Ké-shen, se trouvait à Ta-kou [3], ville située à quelques milles de distance, et que la lettre lui serait envoyée pour qu’il y fît réponse. Ils ajoutèrent que les embarcations pouvaient jeter l’ancre à l’endroit où elles se trouvaient, ou retourner aux vaisseaux, où l’on ferait parvenir la réponse du vice-roi. En conséquence, le capitaine Elliot, qui accompagnait la flottille incognito, donna l’ordre à quatre des embarcations de mouiller à la distance d’un mille environ des forts, tandis que les deux autres suivraient le bateau mandarin dans la rivière. Un des mandarins fut bientôt mis à terre, et se dirigea à cheval vers l’intérieur. Après un laps de temps considérable et au moment où les bateaux allaient s’en retourner, on vit un nouveau dignitaire s’approcher du rivage, et comme d’après la nature boueuse de la plage, il eut été fort incommode, pour ne pas dire presque impossible d’y débarquer, il fut décidé que le mandarin se rendrait à bord d’une vieille jonque de guerre mouillée tout près de là, et que les officiers anglais s’y rendraient de leur côté. On avait d’abord invité ces derniers à venir conférer avec un fonctionnaire qui se trouvait dans le fort, ce à quoi ils s’étaient refusés par le motif indiqué ci-dessus. À l’entrevue qui eut

  1. On nomme ainsi dans l’Inde de petits canons ou pierriers.
  2. Postérieurement à l’expédition dans le golfe de Pé-tchi-li, une autre action assez sérieuse a eu lieu à Amoy entre les batteries chinoises et deux Corvettes anglaises.
  3. Lord Jocelyn écrit Tar-kou ; mais nous suivons de préférence l’orthographe de Macartney.