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la place au cabinet du 1er mars ; l’Université donna à l’instruction publique un chef également éminent et expérimenté dans la personne de M. Cousin.

Dans les huit mois de son ministère, M. Cousin a appliqué la rare activité de son esprit à toutes les branches de l’enseignement ; il a lui-même fait connaître au public les principaux actes de son ministère en en publiant un recueil dont la l’introduction a paru dans la Revue, et a pu, dans sa brièveté lucide et substantielle, faire comprendre l’étendue et l’importance des réformes que M. Cousin essayait ou méditait. M. Cousin, profitant à son tour des travaux de ses prédécesseurs ainsi que de ses propres études, rédigeait aussi un projet de loi sur l’instruction secondaire, projet qu’il vient de publier, mais qu’il n’a pu soumettre aux chambres.

Enfin M. Villemain a pu, en rentrant aux affaires, se vouer de nouveau à ce travail difficile. Le projet de loi est présenté, et un exposé des motifs aussi remarquable par la sévère simplicité de la forme que par les hautes questions qu’il résume, appelle fortement l’attention de la législature sur les points les plus scabreux de l’administration, et de la politique.

Nous ne pouvons pas aujourd’hui entrer fort avant dans cette matière importante. Elle demande une étude approfondie, une discussion sérieuse ; il est peu de matières plus délicates, plus compliquées que l’affranchissement de l’instruction secondaire au milieu d’une société renouvelée, plus appliquée à détruire qu’à conserver, plus éprise d’un avenir vivement espéré et mal connu, que des traditions du passé ou des avantages et des réalités du présent.

Nous reviendrons plus d’une fois sur une matière qui intéresse si vivement, si profondément l’état et la famille, le présent et l’avenir. Nous comparerons les divers projets, et, passant rapidement sur ce qu’ils ont de commun, nous examinerons plus particulièrement les points sur lesquels des hommes si dignes de la confiance du pays ont été d’un avis différent.

En attendant, nous remercions M. Villemain d’avoir franchement et nettement caractérisé cette liberté d’enseignement que nous désirons, comme lui, voir s’établir parmi nous, mais qu’il ne faudrait pas cependant confondre avec ces libertés tout individuelles dont les rares abus ne sont pas une cause de perturbation dans l’état. L’enseignement, c’est la vie morale du pays ; un enseignement pervers ou inefficace tue les intelligences, exactement comme la disette ou la peste moissonne les générations physiques. La libre concurrence sans garanties suffisantes, c’est du délire.

Il faut que la liberté élève, au lieu de le rabaisser, l’enseignement secondaire. Une instruction forte peut seule préserver de l’abaissement une société démocratique. Redisons-le avec M. Villemain, on ne pourrait mieux dire : « Là où on essaie d’instruire un peu tout le monde, et d’élever le niveau commun des esprits, le degré supérieur d’instruction a besoin d’être plus complet et mieux ordonné, car la tâche de la vie sera plus laborieuse. Là où les distractions sociales sont moins puissantes et plus contestées, celle qui vient de l’éducation, et qui tient à la fois à l’élévation des principes et au développe-