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LES SETTE COMMUNI.

pieds, toute cette belle partie de la Lombardie qui s’étend de Mantoue à Venise, riche tapis de verdure semé de bourgades et de villes blanches et roses qui semblent autant de fleurs d’une éclatante broderie que lieraient l’une à l’autre, comme des fils d’argent, les nombreuses rivières qui serpentent dans ces plaines. C’est peut-être sur le sommet de cette montagne qu’Alboin, roi des Lombards, arrivé avec son armée et tout son peuple sur l’extrême frontière de l’Italie, monta seul, au dire de Paul Diacre, et examina long-temps en silence le fortuné pays qu’il allait conquérir.

On nous avait beaucoup parlé à Vicence des ruines d’une ville romaine que l’académicien padouan Jean Costa avait découvertes aux environs de la bourgade de Rozzo. Nous voulûmes la visiter, nous passâmes même une grande journée à la parcourir et à la fouiller ; mais notre zèle d’antiquaires ne fut pas récompensé selon ses mérites. Il ne reste en effet de cette Pompeï des Sette Communi que des murs informes adossés à une éminence. Ces murs semblent avoir plutôt appartenu à des cellules qu’à des maisons. L’ensemble de ces débris ne manque pas toutefois d’une certaine analogie avec les ruines romaines dont les collines de Baia sont couvertes et comme formées. Seulement, aux environs de Rozzo, on ne trouve ni temples ni colonnes antiques. Nous cherchâmes même vainement dans ces décombres quelque fragment de marbre, quelque médaille enfouie, qui indiquât leur origine ; nous ne pûmes rien trouver. Les couteaux de pierre et les monnaies informes que d’autres ont recueillis dans ces ruines, et qu’on nous a montrés, paraissent antérieurs à la civilisation romaine. Ces débris appartiennent peut-être à quelqu’une de ces villes des Euganéens, que les Romains détruisirent lorsqu’ils fondèrent Ausugum[1], dans le val supérieur de la Brenta.

Dans nos courses journalières, tandis que mon compagnon le géologue, armé du marteau et du levier d’acier, s’attachait aux parois de ces montagnes rocheuses avec la constance du lithophage et menaçait de les perforer d’outre en outre, je dessinais quelque site singulier ou je questionnais de braves montagnards, auprès desquels notre ami Leonardo, qui ne manquait jamais de nous accompagner dans nos promenades, me servait d’interprète. Je ne fatiguerai pas le lecteur du récit détaillé de ces excursions, qui eurent le double avantage de parfaitement rétablir la santé de M. Lamberti et d’enrichir ses collections. Au moment du départ, deux mulets pliaient sous le

  1. Aujourd’hui Borgo di Valsugana. Ausugum protégeait l’une des voies principales qui conduisait de la Gaule cisalpine dans la Germanie.