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LES SETTE COMMUNI.

patois, avec son compagnon, qui s’était arrêté comme lui, et nous repartîmes, hâtant le pas.

Nous descendions maintenant aussi brusquement que nous montions tout à l’heure. La corniche que le sentier suivait se repliait perpendiculairement sur elle-même, s’enfonçant au cœur de la montagne. Depuis long-temps le torrent avait cessé de mugir ; tout était calme et muet autour de nous. Nos guides s’arrêtèrent de nouveau, se consultèrent un instant ; l’un d’eux prit une grosse pierre et la jeta de toutes ses forces en avant dans le vide. Nous n’entendîmes rien pendant quelques secondes ; enfin un bruit sourd, pareil à celui que fait un corps en tombant au fond d’un puits, retentit profondément au centre de la caverne. Une nappe d’eau, où le chemin aboutissait, s’étendait donc au-dessous de nous. Nous recommençâmes à descendre avec de grandes précautions, le long du roc humide et glissant, et bientôt nous vîmes resplendir à nos pieds l’eau d’un bassin où se réfléchissait la lumière de nos torches et sous laquelle le sentier semblait se perdre. Nous cherchions dans l’obscurité un batelet à l’aide duquel nous pourrions franchir le lac dont nous ne voyions pas l’autre rive, quand nos guides, nous plaçant de nouveau sur leurs épaules, entrèrent bravement dans ce bassin, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture et quelquefois jusqu’aux aisselles. Cette traversée dura à peu près un quart d’heure, et j’avoue que ce ne fut pas sans éprouver une assez vive satisfaction que je me retrouvai de pied ferme sur l’autre bord. De ce côté s’étendait une plage sablonneuse ; on eût dit la rive d’une mer souterraine. Nous la suivîmes, hâtant le pas, nous conformant en ceci aux avis de nos guides, qui, de temps à autre, prêtaient toujours l’oreille avec anxiété. Nous arrivâmes bientôt au bout de la pièce d’eau, c’est-à-dire à une sorte de couloir de rocher où l’immense grotte que nous venions de parcourir se terminait en forme d’entonnoir. Ses parois, qui se rapprochaient brusquement, ne laissaient qu’un étroit passage au torrent, dont les eaux se précipitaient dans le lac, et au chemin, qu’elles recouvraient par places. Il était évident que ce long couloir avait été creusé par les eaux infiltrées dans la montagne ; elles laissaient des traces de leur passage non-seulement à nos pieds et sur les parois latérales de la caverne, mais encore sur les rocs qui en formaient la voûte et qui pendaient sur nos têtes.

En ce moment, nous entendions, dans l’obscurité, devant nous, comme un tonnerre lointain. Ce bruit paraissait préoccuper vivement les montagnards : ils s’arrêtaient, écoutaient, repartaient, s’arrêtaient