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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

seau, si travaillé pourtant, avait aussi, rendit plus tard M. Töpffer très grand admirateur du style retrouvé de Paul-Louis Courier et partisan de quelques-unes de ses théorie un peu fausses, mais si bien dites. Je trouve, en un chapitre de ses opuscules, Ronsard en titre, et très bien apprécié, qui en fait les frais[1]. Bref, M. Töpffer commença comme nous tous ; il rebroussa pour mieux sauter. Son français fut d’abord peut-être un peu appris, mais appris de haut et par-delà, comme il sied.

Sa première brochure sur l’exposition de 1826 avait réussi ; il continua les années suivantes, en abandonnant peu à peu le trop docte jargon d’archaïsme. Peu à peu aussi il abandonna les questions de critique occasionnelle et particulière pour aborder des points d’art plus généraux. Ce fut l’origine d’une série d’opuscules intitulés : Réflexions et menus propos d’un peintre genevois, qui trouvèrent place, au moins en partie, dans la Bibliothèque universelle de Genève. Dans cette série, il faut distinguer essentiellement les quatre premiers livres d’un Traité du lavis à l’encre de Chine ; qu’on ne s’effraie pas du titre technique : le lavis à l’encre de Chine n’y est que l’occasion ou le prétexte de recherches libres sur des principes d’art et de poésie. M. Xavier de Maistre, qui aime et pratique lui-même la peinture, qui en poursuit jusqu’aux procédés et à la chimie, lut, à Naples où il était alors, les premiers livres de ce traité, et il envoya en présent à l’auteur une belle plaque d’encre de Chine avec toutes sortes de précieux témoignages. Voilà donc un second parrain qui vint à M. Töpffer après Goethe, et par la peinture également. Lorsque plus tard l’aimable auteur du Lépreux acheva de connaître celui dont la théorie l’avait attiré, lorsqu’il put lire ces touchantes petites productions, sœurs des siennes, la Bibliothèque de mon Oncle, le premier chapitre du Presbytère, il dut voir avec bonheur combien entre certaines natures les premières affinités trompent peu, et qu’il y a des parentés devinées à distance entre les ames.

C’est que ces quatre premiers livres, à propos de lavis, sont en effet d’une lecture charmante, à la Sterne, avec plus de bonhomie, entrecoupés de digressions perpétuelles qui sont l’objet véritable et qui font encore moins théorie que tableau. Sur l’importance de bien choisir son bâton d’encre de Chine, ce compagnon, cet ami fidèle qui doit vivre autant et plus que nous, il y a, par exemple, des pages bien délicates et sensibles, dont je veux extraire ici quelque chose,

  1. Chap. XIX, IVe livre du Traité du lavis à l’encre de Chine.