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UN HIVER AU MIDI DE L’EUROPE.

par le pape Pie VI. La vie de cette sainte fille a été écrite plusieurs fois, et, en dernier lieu, par le cardinal Antonio Despuig. Elle offre plusieurs traits d’une gracieuse naïveté. Dieu, dit la légende, ayant favorisé sa servante d’une raison précoce, on la vit observer rigoureusement les jours de jeûne, bien avant l’âge où l’église les prescrit. Dès ses premiers ans elle s’abstint de faire plus d’un repas par jour. Sa dévotion à la passion du Rédempteur et aux douleurs de sa sainte mère était si fervente, que dans ses promenades elle récitait continuellement le rosaire, se servant, pour compter les dizaines, des feuilles des oliviers ou des lentisques. Son goût pour la retraite et les exercices religieux, son éloignement pour les bals et les divertissemens profanes, l’avaient fait surnommer la viejecita, la petite vieille. Mais sa solitude et son abstinence étaient récompensées par les visites des anges et de toute la cour céleste : Jésus-Christ, sa mère et les saints se faisaient ses domestiques ; Marie la soignait dans ses maladies ; saint Bruno la relevait dans ses chutes ; saint Antoine l’accompagnait dans l’obscurité de la nuit, portant et remplissant sa cruche à la fontaine ; sainte Catherine sa patrone accommodait ses

    Altra, sens vos, per que l’in volray be,
    E tindr’ en car s’amor, que ‘xi s’conve.

    « Cherchez désormais, quoique vous soyez belle et noble,
    « Ces mérites, ces louanges, ces sourires charmans quin’étaient que pour vous ;

    « Or, le temps est venu où vous m’aurez moins près de vous.
    « Votre regard d’amour ne pourra plus me tuer,
    « Ni votre feinte gaieté ;
    « Car j’en ai trouvé
    « Une autre qui me plaît,
    « Si je pouvais seulement lui plaire !
    « Une autre, non plus vous, ce dont je lui saurai gré,
    « De qui l’amour me sera cher : ainsi dois-je faire.

    Les Mallorquins, comme tous les peuples méridionaux, sont naturellement musiciens et poètes, ou, comme disaient leurs ancêtres, troubadours, trobadors, ce que nous pourrions traduire par improvisateurs. L’île de Mallorca en compte encore plusieurs qui ont une réputation méritée, entre autres les deux qui habitent Soller.

    C’est à ces trobadors que s’adressent ordinairement les amans heureux ou malheureux. Moyennant finance, et d’après les renseignemens qu’on leur a donnés, les troubadours vont sous les balcons des jeunes filles, à une heure avancée de la nuit, chantant les coblas improvisées sur le ton de l’éloge ou de la plainte, quelquefois même de l’injure, que leur font adresser ceux qui paient le poète-musicien. Les étrangers peuvent se donner ce plaisir, qui ne tire pas à conséquence dans l’île de Mallorca. (Notes de M. Tastu.)