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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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28 février 1841.


Nous venons d’assister à un singulier spectacle. Essayons d’en rendre compte ; il importe que le pays sache où il en est en fait de gouvernement représentatif.

Il y a quatre mois, un cabinet se formait à la veille de l’ouverture de la session. Il prenait à son compte une situation grave et difficile, en succédant à un cabinet qui avait tenu à l’Europe un langage énergique, qui avait donné l’éveil aux sentimens nationaux, et convié la France à de vastes préparatifs militaires. Le nouveau cabinet ne pouvait ni suivre ni abandonner complètement le système du 1er mars. En le suivant, il s’ôtait toute raison d’être ; en l’abandonnant, il compromettait les intérêts les plus sacrés, les intérêts moraux du pays, et rabaissait le pouvoir. Il devait donc, pour se faire une ligne à lui, pour se séparer du 1er mars sans se séparer du pays, chercher une voie intermédiaire, emprunter quelque chose de la politique de ses prédécesseurs, et faire bon marché du reste. Pour rendre ce partage plus significatif, on pouvait s’aider d’un artifice que la politique, casuiste relâché, n’hésite guère à excuser, et qui consiste à exagérer le système dont on proclame l’abandon. En prêtant au 1er mars des projets bien arrêtés de guerre, d’envahissemens, de conquêtes, projets qu’en réalité il n’a jamais eus (c’est là du moins notre conviction), il devenait plus aisé de formuler le système particulier du 29 octobre : — Nos prédécesseurs voulaient la guerre ; nous, nous voulons la paix ; ils voulaient, eux, une armée d’agression ; nous, nous ne voulons qu’une armée défensive ; à eux l’isolement hargneux et menaçant, à nous l’isolement d’une politesse froide et expectante. S’ils exigeaient, pour se rapprocher de l’Europe, une satisfaction éclatante et des avances impossibles, nous pensons qu’il suffit d’une occasion convenable, d’une circonstance qui, sans rappeler le passé, place la France dans la situation qui appartient à sa puissance et à sa dignité.

Quoi qu’il en soit des limites précises des deux politiques, toujours est-il que,