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l’auteur à travers tous les sentiers parcourus par son érudition, ni dans la narration souvent interrompue des faits de son histoire, qui ne présentent au lecteur qu’un intérêt local ; mais il y a dans son livre des passages qui touchent à de plus larges questions : tels sont entre autres ceux où il parle de l’origine, de la religion et des habitudes de la race slave. Aux diverses notions publiées par d’autres écrivains sur cette race immense qui a occupé la moitié du monde, M. Barthold a joint des détails puisés dans les traditions du nord de l’Allemagne et curieux à recueillir.

Toutes ces traditions confirment ce que plusieurs historiens anciens rapportent sur le caractère et les mœurs des différentes tribus slaves. Les Romains, énervés par le luxe et le pouvoir, contemplaient avec étonnement ces hommes à la taille élevée, aux membres robustes, habitués dès leur enfance à braver la rigueur des élémens, marchant presque nus au milieu de l’hiver, combattant à pied avec les armes les plus grossières contre les troupes les mieux équipées, se jetant dans l’eau pour échapper à la poursuite de leurs ennemis, et restant là, comme les sauvages de l’Amérique, des heures entières à l’aide d’un long tuyau qui leur servait à reprendre haleine. Ces hommes si intrépides dans le combat, si endurcis à toutes les privations et à toutes les fatigues, étaient en même temps d’une nature douce, généreuse, hospitalière. Le voyageur qui passait devant leur demeure était sûr d’y trouver toujours un asile et un accueil amical. L’ennemi qu’ils faisaient prisonnier sur le champ de bataille n’était point, comme parmi les autres races barbares du Nord, condamné à un esclavage perpétuel, il pouvait recouvrer sa liberté pour une légère rançon et quelquefois gratuitement. Au jour du combat, ils s’élançaient contre leurs adversaires, sans armures et presque sans vêtemens, avec des piques aiguës et des flèches empoisonnées. La bataille finie, ils rentraient paisiblement au milieu de leur famille. Dès qu’ils s’étaient emparés d’une contrée, ils bâtissaient des villages, cultivaient le sol et établissaient avec leurs voisins des relations de commerce. Tels sont les traits généraux de caractère attribués aux Slaves par Procope, Maurice et d’autres écrivains. Ces mêmes historiens vantent aussi leur fidélité dans les relations, leur respect pour le serment, leur chasteté et leur religion simple et austère.

Plus tard, dit M. Barthold, le monothéisme, qui formait la base de cette religion, dégénéra en un polythéisme aussi étendu que celui des Grecs et des Romains. Les Slaves reconnaissaient encore un dieu suprême, maître de toutes choses, mais ils peuplèrent les champs et les bois d’une foule de génies subalternes, et les émotions du cœur, la joie et la tristesse, l’amour et la colère, avaient aussi leurs divinités. Dithmar de Mersebourg parle d’une des villes slaves du Nord à laquelle il donne le nom de Riedegost, et dont toute la construction présentait un caractère symbolique. Elle était bâtie en forme de triangle et entourée d’une forêt profonde. À chacun de ses angles, il y avait une porte, dont deux étaient toujours ouvertes. La troisième, qui était la plus petite et qui était tournée du côté de l’orient, servait de barrière à un sentier mystérieux qui conduisait à la mer. La ville ne renfermait qu’un temple bâti