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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

nature et la configuration ; il analyse l’état du sol et en raconte les bouleversemens. Une fois ces bases établies, il dira quelles sont les plantes que ce sol peut produire, les influences atmosphériques auxquelles il est soumis, les animaux qui y cherchent leur substance, les hommes qui l’habitent, leur origine, leur physionomie, leur caractère. Ainsi la géographie touche à la fois à la physique, à la géologie, à l’astronomie, à l’histoire, à la politique. C’est la science la plus vaste et la plus complexe qui existe ; et en même temps la plus mobile. Les révolutions physiques, les guerres, les traités de paix, les progrès de l’agriculture, les découvertes de l’industrie, changent la face d’une contrée, et la géographie doit apprécier et noter tous ces changemens. C’est la première science qui ait occupé l’esprit humain, et c’est celle qui s’est développée le plus lentement, car elle ne pouvait grandir et prendre quelque consistance que par le concours de toutes les autres. Dès que l’intelligence de l’enfant commence à s’éveiller, il promène avec étonnement ses regards autour de lui, il veut savoir ce que c’est que cette terre où il porte ses pas, comment elle est formée et jusqu’où elle s’étend, d’où vient l’orage et d’où vient la lumière du soleil. Il en fut de même de l’homme aux époques primitives, et à la suite des grandes migrations. Chaque tableau inattendu, chaque changement de lieu devait nécessairement provoquer en lui un redoublement de curiosité, et le conduire à de nouvelles investigations. Mais que de temps, que de recherches, que de calculs il a fallu avant qu’il en vînt, lui si faible, lui si petit, à mesurer la largeur du monde, l’étendue des flots et l’immensité du ciel ! Il a fallu des siècles d’études et les efforts de plusieurs hommes de génie pour découvrir l’une de ces idées qui aujourd’hui n’excitent pas même en nous la plus légère surprise, tant elles sont devenues vulgaires. Le récit de toutes ces tentatives réitérées de la pensée humaine, de toutes ces découvertes d’instrumens et de toutes ces combinaisons appliquées à l’art nautique, à la mesure du temps et de l’espace, forme l’histoire de la géographie.

Cette histoire commence avec celle du monde. Les premières notions de géographie se trouvent dans la Genèse, la première description de pays est celle du paradis terrestre qui a tant occupé les savans et les commentateurs, qui a été tour à tour placé par les théologiens mahométans dans le septième ciel, par Hardouin aux environs de Damas, par Heidegger dans la vallée du Jourdain, par Roland dans l’Arménie, par Frege sur les bords de la mer Caspienne, par Marignola dans la terre de Ceylan, par Masse sur les rives de la mer Baltique, du côté de la Prusse, par le célèbre Rudbeck en Suède, par Schulz dans les régions polaires. La Bible nous donne encore, comme on le sait, des détails sur l’Égypte, sur la mer Rouge, sur les contrées traversées par les Israélites, et enfin elle établit le dogme de la rotation du soleil, en vertu duquel au XVIe siècle l’inquisition condamnait l’immortel Galilée. Toute cette géographie de la Bible a été l’objet de savantes recherches et de plusieurs dissertations importantes parmi lesquelles nous citerons celles de Bochart, Michaelis, Rosenmüller et l’Atlas de Palmer (Bible atlas, or sacred geography delineated).