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Dans la vie de Danton, qui a été récemment analysée avec trop de soin pour que nous la retracions tout entière et en détail, nous trouvons beaucoup plus de turbulence et de férocité apparentes. Cette différence n’appartient pas aux hommes, mais aux temps et aux pays. La fantasmagorie scénique, que la France aime et qui convient à son tempérament, ne se montre point dans la révolution d’Angleterre. Alors même qu’elle est plus atroce, elle est plus grave, plus formaliste et plus solennelle. Cet odieux et terrible procès de Strafford s’accomplit avec une silencieuse simplicité. Pym, qui frappe d’aussi grands coups que Danton, n’a rien des éclats de ce titan révolutionnaire. Il soulève paisiblement sa massue, sans jamais se tromper ni d’heure ni de jour, et ne manquant point de la faire tomber juste. Quand la chose est accomplie, il ne sourit même pas. On ne reconnaît en lui et autour de lui ni la ferveur gauloise, ni le drame impétueux, ni les talens improvisés, ni les flammes sombres qui sortent du cratère de 1793. L’Angleterre puritaine est souvent hypocrite et burlesque ; en revanche, elle procède avec une gravité légale, un respect des antécédens, une constante énergie, un sincère amour du bien. Comme elle n’a pas l’Europe à repousser, et que ses frontières ne sont pas assaillies par l’ennemi, le bourreau a peu de chose à faire ; on n’abat que les plus hautes têtes ; le sang coule surtout dans la guerre civile, sur les champs de bataille, avec une sorte de loyauté, de probité et de politesse permanentes.

Ainsi, au moment même où commençait la guerre, où les uniformes verts de Hampden, les habits rouges de Hollis, les bataillons pourpres de lord Brooke, et les escadrons bleus de lord Say, couvraient les campagnes anglaises, prêts à en venir aux mains, les ennemis se mesuraient des yeux, mais ne s’insultaient pas. On allait se battre, mais noblement. C’est une chose magnifique à observer, dans cette première lutte du trône contre le peuple, que ce respect universel de l’humanité et cette magnanimité chevaleresque que l’on remarque chez tous les combattans. « Mon affection pour vous, écrit à sir Ralph Hopton, royaliste déterminé, sir William Waller, général des troupes parlementaires, est tellement invariable, que notre hostilité actuelle ne peut altérer mon attachement à votre personne ; mais je dois être fidèle à la cause que je sers. Je m’arrête devant l’autel. Le grand Dieu qui lit dans mon cœur sait avec quelle répugnance je commence cette entreprise, et quelle parfaite aversion m’inspire une guerre dans laquelle je ne trouve pas d’ennemis. Il faut cependant faire son devoir ; toutes mes inclinations se taisent. Puisse le Dieu de paix nous envoyer