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roi dont le coffre était vide et l’autorité déjà attaquée, les chefs de l’opposition avaient beau jeu ; le géant des communes se soulevait avec d’autant plus de danger pour le monarque, qu’il marchait gravement, avec une énergie tranquille et résolue. Déjà en 1638, Pym, du consentement de tous, s’était placé à la tête des haines et s’était constitué le dénonciateur général des iniquités du pouvoir. Hampden se charge de la résistance héroïque ; Pym, de l’accusation acharnée. L’organisation de ce terrible système, le système des pétitions, n’a pas d’autre créateur que Pym. Chacun des griefs de la nation anglaise se représente tour à tour dans ces remontrances, respectueuses pour la forme, meurtrières pour le fond. Charles s’irrite et s’aveugle chaque jour davantage, et, comptant sur le prestige de sa couronne et sur la fermeté de Strafford, il laisse ses agens multiplier les supplices. Ces supplices ne font qu’exalter le peuple. Quand le malheureux Burton, coupable d’avoir écrit un livre de controverse, eut les oreilles coupées, il s’éleva dans la foule un long murmure et des hurlemens de vengeance. Quand le pauvre Bastwyck subit la même indignité, sa femme, montant sur un tabouret, l’embrassa devant tout le peuple, et emporta ses deux oreilles sanglantes dans un mouchoir blanc, aux acclamations universelles[1]. La fureur s’accrut lorsque le bourreau vint brûler les livres de Prynne, sous le nez de ce malheureux, qui fut presque suffoqué par la fumée, et dont une oreille fut abattue devant le palais, une autre à Cheapside[2]. « Que pouvons-nous espérer, demandait Laud à Strafford ? Prynne et ses camarades ont été escortés par des milliers de leurs acolytes à travers les rues de Londres. On les a écoutés et interrompus souvent par des applaudissemens et des acclamations. On a pris note de leurs discours dont on a répandu des copies dans la Cité. » Ces politiques aveugles auraient dû comprendre que le moment était venu de céder ; mais se souvenant trop que Henri VIII, Élisabeth et Marie avaient trouvé une nation docile sous des outrages bien plus violens, ils ne reconnaissaient pas les changemens survenus dans la situation : prospérité croissante de la bourgeoisie, indépendance de la noblesse, décadence de la féodalité, pénurie du trône. Dans le palais de Charles Ier, un seul homme, bossu, contrefait et méprisé, voyait plus juste que les conseillers du roi : c’était Archie, le bouffon de Charles. Un jour qu’il s’était enivré dans une taverne de West-

  1. Lettre de Garrard à Wentworth.
  2. Lettre de Laud à Wentworth.