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qui furent supprimés et marqués d’ignominie, il se trouve le principal promoteur de ces comités d’enquêtes qui n’étaient qu’un prélude, mais qui inquiétaient le roi, satisfaisaient les esprits, éveillaient le soupçon, dévoilaient les fautes de la cour, et enhardissaient l’opposition. Assidu aux comités, comme il arrive à tous les hommes politiques, qui, dignes de ce nom, veulent fonder leur crédit d’une manière solide, il avait été emprisonné deux fois ; les bourgeois et les puritains le regardaient comme un de leurs bons défenseurs, et il se plaçait presque au niveau de Selden et d’Elliot, lorsque le nouveau règne commença.

Charles aurait dû voir que l’Angleterre brisait son enveloppe, et que les anciennes coutumes n’étaient plus assez vigoureuses pour contenir le déploiement de la nation. Dès qu’un peuple devient trop fort pour les vieilles lois qui l’enserrent, il brise son cadre, et cela s’appelle une révolution. La révolution française opérée en juillet n’en est pas une ; c’est une transaction. La prétendue révolution anglaise de 1688 n’en était pas une ; c’était un arrangement. Mais les vraies révolutions sont plus terribles. Elles ne remuent pas des ames épuisées et n’aboutissent pas à des compromis plus ou moins convenables. Les vraies révolutions sont des combats dans lesquels luttent tous ceux qui se savent rois, qui voudraient l’être ou qui croient l’être. Par le mot roi, il ne faut pas entendre seulement un chef légal ou héréditaire, mais tout homme que l’on suppose ou que l’on sait doué de la force qui doit régir. Quand la royauté est morte comme idée, elle renaît comme fait ; quand on ne croit plus à l’abstraction de la royauté, elle cherche à s’incarner dans les individus, quels qu’ils soient. Ceux qui possèdent la force, qui pensent la posséder, qui espèrent l’atteindre, se livrent une guerre de titans. Toutes les chances se réunissent alors contre le vrai roi, le roi ancien et héréditaire, parce qu’il veut, au nom du passé, au nom de ses droits, arrêter le combat duquel dépend le développement social. Pourquoi calomnier une aussi déplorable victime ? Charles Ier lui-même avait des antécédens sans nombre pour justifier ses actes monarchiques. La taxe des vaisseaux, qui souleva l’Angleterre, était, quoi qu’aient pu dire les whigs, écrite en toutes lettres dans les anciens priviléges de la royauté. Charles fut renversé par la société qui voulait grandir ; sa faute et sa folie furent de prétendre y mettre obstacle. Il rencontra devant lui Pym et Hampden, comme Louis XVI rencontra Mirabeau et Danton.

Ces deux rois sans couronne, Danton en France et Jean Pym en