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DE L’INFLUENCE FRANÇAISE EN ITALIE.

De toutes les littératures étrangères, la littérature française est la seule qui soit véritablement répandue en Italie. Les ouvrages allemands y sont peu lus ; les livres anglais le sont davantage, mais ils n’ont toujours qu’un nombre restreint de lecteurs, tandis qu’il n’y a pas une production remarquable publiée en France qui, malgré les défenses les plus rigoureuses, ne soit bientôt répandue en Italie où le français est fort cultivé par des gens qui parfois négligent même un peu leur propre langue. Les journaux, les revues, les voyages, les drames, y pénètrent à l’instant, et, comme on n’a pas grand’chose à faire en Italie, on y lit beaucoup, et l’on s’intéresse naturellement à ce qu’on dit des Italiens dans les autres pays. Dans une contrée où les travaux littéraires ne rapportent presque rien, on s’imagine que tout ce qu’écrit un auteur est l’expression de sa conscience, et l’on prend tout au sérieux, sans songer que souvent, dans les pays où la plume d’un écrivain est une source de gain, la production littéraire ne devient trop souvent qu’une spéculation industrielle, et que l’on fait parfois imprimer non pas ce que l’on croit vrai et utile, mais ce que l’on pense devoir obtenir un prompt débit. Or, ces voyages, ces articles de journaux, où l’Italie est jugée presque toujours d’après des impressions d’auberge ou des souvenirs de spectacle, et où les sarcasmes ne sont pas épargnés, produisent au-delà des Alpes un effet déplorable. En France, on se ferait difficilement une idée exacte du mal que font ces perpétuelles histoires de brigands, de vetturini et de cavaliers servans qui se répètent sans cesse et qui servent de canevas à presque tout ce qu’on écrit sur l’Italie.

En causant dernièrement en Italie avec un homme très considéré dans son pays, nous lui disions combien cette susceptibilité nous semblait excessive à l’égard de productions auxquelles en général on attache en France si peu d’importance. — « Vous avez raison, me répondit-il, et nous savons fort bien qu’à Paris, où l’on renonce rarement au plaisir de dire un bon mot, on imprime beaucoup de choses qui n’ont pas toute la portée qu’elles sembleraient avoir ; la vivacité de leur caractère conduit quelquefois les Français à avancer un jour des propositions qu’ils rétractent d’une manière très aimable le lendemain, et nous n’avons pas oublié qu’en 1814 des écrivains fort connus crurent nous dire une injure en rappelant que ce Napoléon, dont on prépare en ce moment l’apothéose, était Italien. Mais comment voulez-vous que nous restions indifférens à toutes ces calomnies qui se débitent continuellement sur le compte de l’Italie ?