Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/667

Cette page a été validée par deux contributeurs.
659
DE L’INFLUENCE FRANÇAISE EN ITALIE.

de donations vraies ou supposées et de la faiblesse des successeurs de Charlemagne, les papes s’élevèrent peu à peu à un degré de puissance qui leur permit d’entreprendre avec les empereurs d’Allemagne la grande querelle des investitures. À l’aide des Normands qui venaient d’arriver en Italie, Grégoire VII empêcha Henri IV de s’établir à Rome. Dans ces luttes qui furent si longues et si acharnées, le principe municipal, qui avait survécu à la chute de l’empire romain, se releva avec une vigueur extraordinaire ; la ligue lombarde suffit d’abord pour contenir les Allemands. Mais, lorsque plus tard les empereurs héritèrent du royaume des Deux-Siciles, les papes, pressés de tous côtés par ces voisins dangereux, appelèrent les Français ; et, après beaucoup de sollicitations, Charles d’Anjou se chargea de mettre un terme à la crainte qu’avait la cour de Rome de voir l’Italie se réunir sous le sceptre des Hohenstaufen. Les conventions qui eurent lieu à cette époque entre le pape et le nouveau roi de Naples, prouvent que ce que le pape craignait par-dessus tout, c’était la réunion de l’Italie. Les dépêches originales et secrètes (lettres closes) de cette curieuse correspondance existent encore à Paris aux Archives du royaume et mériteraient d’être publiées. Dans le traité par lequel le pape appelait en Italie de nouveaux étrangers, il est dit et répété à chaque phrase que le chef de la nouvelle dynastie ne pourra devenir empereur, ni seigneur de Lombardie ou de Toscane, ni d’une partie quelconque de la Lombardie ni de la Toscane ; en un mot, qu’il ne pourra jamais tenter de réunir l’Italie. Au reste, malgré ces précautions, on sait que peu d’années après, le pape, redoutant probablement la trop grande puissance des Angevins, aida les Siciliens à la révolte et encouragea les Vêpres Siciliennes.

Il est à peine nécessaire de rappeler comment plus tard des pontifes, qui voulaient assurer à leurs parens l’héritage des républiques italiennes, se réconciliaient avec leurs plus cruels ennemis, les empereurs, et appelaient à leur secours ces bandes d’hérétiques qui venaient de saccager Rome plus brutalement que ne l’avaient fait les Goths d’Alaric. La réunion, de l’Italie, que les papes avaient rendue impossible sous un prince, n’était guère plus aisée sous ces républiques, qui pendant trois siècles jetèrent une si vive lumière sur l’Occident, et donnèrent l’exemple, qui nous étonne tant aujourd’hui, du plus grand développement possible de la démocratie et de l’industrie avec le sentiment poétique excité au plus haut degré. Capables quelquefois de balancer la fortune des empereurs, elles étaient, par leur constitution, impuissantes à faire des conquêtes,