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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

public. Les familles ne s’en plaignaient pas, et en prirent leur part : c’était la coutume. La population mâle assiste seule à ces festins.

Après la visite au palais du roi, le commandant donna le signal de la retraite. Le vieux Tanoa voulut accompagner les Français jusqu’à bord des corvettes, et ne les quitta que fort tard. M. d’Urville lui fit encore quelques présens ainsi qu’à l’interprète Latsiska, dont le concours dans cette affaire avait été si utile et si intelligent. On se sépara fort satisfaits les uns des autres, et le lendemain l’Astrolabe et la Zélée quittaient cette plage, après y avoir assuré, par une leçon prompte et sévère, le respect du pavillon français.

Le reste de cette navigation à travers les îles Viti et les Nouvelles Hébrides fut employé à des travaux hydrographiques. On reconnut le 20 octobre l’île de Lavouka, où les naturels ont presque tous les petits doigts coupés à la première ou seconde phalange. Par suite de la mort d’un grand chef, cette île se trouvait alors placée sous la loi d’une continence rigoureuse, ce qui dérangeait les relations ordinaires des femmes avec les équipages étrangers. L’Astrolabe et la Zélée n’en aperçurent aucune. Plus loin, les corvettes relevèrent successivement l’île Aurore, qui tient à l’archipel des Hébrides, Vanikoro, tombeau de Lapérouse et l’un des titres de l’Astrolabe, l’archipel de Santa-Cruz, puis Saint-George et Isabella, dans les îles Salomon. La nature étale beaucoup de puissance sur ces terres, et la richesse y est grande dans tous les règnes. On y trouva des insectes très-variés, des cacatois, des perroquets de mille couleurs, des tourterelles et un très beau coq sauvage. Les naturels étaient fort empressés à visiter les corvettes. Leurs mouvemens rappellent ceux des singes petits, noirs et crépus, ils ont pourtant le caractère jovial ; ils mâchent du bétel et se barbouillent le visage avec une teinture blanche.

Le 12 novembre, les corvettes changèrent d’hémisphère en coupant l’équateur pour la seconde fois. Quelques jours après, on était devant Hogoleu, centre de l’archipel des Carolines, et pendant plusieurs jours on assura les positions de ce groupe. La race qui peuple ces terres est des plus abruties, et on pourrait la classer au-dessous des tribus mélanésiennes. Seulement, ici, le cannibalisme cesse ; ces sauvages ne vivent que de fruits et de pêche. Quelques caractères du type chinois et malais, par exemple les yeux bridés, le nez épaté, la bouche grande, se retrouvent chez eux, mais à l’état de dégénération. Ils marchent vêtus d’une sorte de puncho en fibres de coco, et portent les cheveux très longs. Leurs figures sont barbouillées de rouge