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LA HOLLANDE.

dunes ont deux à trois lieues de large ; là on ne se contente pas d’arrêter le sable mouvant, on travaille à défricher ces collines arides qui semblent se refuser à toute espèce de culture, et ce travail si difficile, si ingrat en apparence, est assez productif. On jette d’abord dans le sable d’épaisses couches de fumier, puis on y plante des pommes de terre, et la première récolte est d’ordinaire assez abondante pour payer les frais de défrichement. Quand le sol a été ainsi labouré, engraissé, affermi, on y plante de petits chênes que l’on coupe en broussailles au bout de huit ans, puis on les laisse repousser, et de dix ans en dix ans on fait une coupe d’arbustes qui rapporte environ 2 francs par toise. Avec le temps, les collines stériles peuvent être ainsi couvertes de magnifiques forêts, ou converties en pâturages. Il n’y a pas un siècle qu’une partie des environs de Harlem était encore revêtue d’une couche de sable ; aujourd’hui c’est l’une des prairies les plus riantes et les plus fécondes de la Hollande. Il n’y a pas trente ans que Woestdunn, la demeure de la noble et illustre famille des Van Lennep, était bornée par des landes sauvages ; aujourd’hui le zèle et l’industrie de ses propriétaires en a reculé les limites. Les vieux bancs de sable sont chargés d’arbustes, traversés par de magnifiques allées parsemées de jardins et d’élégantes habitations. Chaque année la charrue trace de nouveaux sillons, chaque année la main de l’homme conquiert un nouveau terrain.

Si des bords de la mer nous redescendons dans l’intérieur du pays, voici d’autres travaux plus difficiles encore et plus persévérans. Là l’homme retranché derrière ses digues, comme l’habitant d’une ville de guerre derrière ses remparts, est sans cesse occupé d’embellir ou de faire fructifier son domaine. Il creuse son sol, il le dessèche, il le façonne comme une matière inachevée que Dieu lui a remise pour lui donner une autre forme. Il perce des canaux, il trace des grandes routes, il bâtit des écluses. Partout enfin, il va, il vient, il agit, il ressemble à la fourmi industrieuse qui, chaque jour, traîne un nouveau fardeau, et amasse dans son grenier le grain de blé avec le brin de paille.

De tous côtés, quand on voyage à travers cette contrée, on trouve les traces du labeur le plus opiniâtre et de l’industrie la plus éclairée. De tous côtés, des édifices imposans s’élèvent sur une terre mouvante qu’il a fallu affermir, des barques sillonnent les canaux, des moulins à vent se meuvent sur leur haute tour, ceux-ci pour moudre le grain, ceux-là pour scier les planches, d’autres pour pomper l’eau d’une plaine marécageuse et la jeter dans un réservoir. L’air, la terre et