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des noms, et ce serait insulter gravement un Tonga que de le faire décheoir de son numéro d’ordre dans une distribution solennelle.

Il est peu de tribus qui aient autant de fêtes publiques, de bals, de tournois, que les Tongas. Les voyageurs ne tarissent pas sur ce sujet : Cook ne se lasse point d’admirer les danses gracieuses de ces insulaires, Maurelle en parle avec enchantement, d’Entrecasteaux leur consacre de longs récits, et Waldegrave renchérit encore sur ces peintures voluptueuses. Aujourd’hui ce n’est guère qu’à Tonga-Tabou, où les mœurs anciennes survivent, que l’on peut retrouver quelques vestiges de ces traditions. L’une des plus grandes fêtes du pays a un caractère belliqueux ; on y voit deux partis de guerriers qui, arrivés dans une sorte de champ clos, y exécutent quelques manœuvres, et, après avoir échangé un défi bruyant, détachent de part et d’autre un champion déterminé. Ainsi de couple à couple l’action s’engage, et la bataille est un long duel. À chaque triomphe, quelques vieillards, juges du camp, proclament le nom du vainqueur, toujours accueilli par un cri d’enthousiasme. Des bouffons animent la scène et remplissent les intermèdes. Les femmes ne sont pas repoussées de ces tournois, et souvent, les mains garnies d’un ceste, elles se livrent un pugilat qui n’est ni sans danger, ni sans gloire.

Ordinairement le combat fait place à une danse. Les musiciens qui l’exécutent sont armés de bambous dont le son est plus ou moins grave, suivant la longueur des tubes, ou bien de tambours composés d’un bloc de bois à demi évidé par une fente centrale. On se ferait difficilement une idée de l’harmonie qui résulte d’un pareil orchestre ; mais les oreilles indigènes sont habituées à ce diapason. Au premier appel du tambour, quatre groupes d’hommes s’élancent, tenant à la main une pagaïe d’un bois mince et léger qu’ils font voltiger autour d’eux d’une manière prestigieuse, la portant tantôt à gauche, tantôt à droite, ou la faisant passer rapidement d’une main à l’autre. Rien de plus vif que ces évolutions combinées avec des mouvemens de danse et des poses d’ensemble. Parfois ce ballet se complète par le chant, et l’un des acteurs vient réciter un prologue auquel ses compagnons répondent comme dans les chœurs du théâtre antique ; puis l’orchestre et les comédiens alternent, l’un avec un redoublement de tambours, les autres avec des chansons mélancoliques, tandis que l’auditoire s’associe à tous ces efforts et joue lui-même un rôle en criant : Bien ! bien ! encore ! encore !

La danse aux flambeaux a un autre caractère ; les femmes seules y