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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

les cheveux sont surtout chez eux l’objet d’un entretien de tous les instans. Autant de têtes, autant de coiffures. Quelques élégans laissent croître leur chevelure dans toute sa longueur, d’autres la portent absolument rase ; il en est qui, à l’aide de mordans, la teignent en blanc, en rouge ou en blond, et la frisent ensuite avec une patience exemplaire. Quand ce chef-d’œuvre de l’art est achevé, ils ne bougent plus, de peur d’en déranger l’économie. Les femmes ne font pas autant d’apprêts, mais elles se couronnent de fruits de pandanus ou de fleurs odorantes. Dans les lobes de leurs oreilles, percés de larges trous, elles introduisent des cylindres de trois pouces de long et des articulations de roseaux remplies de poudre jaune. Des colliers de coquilles, d’ossemens d’oiseaux, de dents de requins, d’arêtes de baleine complètent ces ornemens. L’usage des bains joint à des frictions constantes d’huile de coco, donne à leur peau une douceur et un lustre remarquables.

L’usage le plus caractéristique de ces pays est celui du kava, boisson particulière aux peuplades polynésiennes et produit de la fermentation des racines du piper methysticum. La préparation du kava est ordinairement un plaisir de famille ; mais celle d’un kava solennel s’élève à la hauteur d’une cérémonie publique. Dans cette occasion, tous les chefs se placent en rond sur une vaste pelouse, les supérieurs tenant le haut côté du cercle, les inférieurs se rangeant auprès d’eux dans l’ordre de la hiérarchie. Le peuple n’est pas acteur dans ces scènes, il n’y assiste qu’en témoin, et a seulement le droit de circuler autour de l’enceinte. Quand tout le monde est assis, les serviteurs entrent et apportent les racines du kava ; le président les passe à un préparateur, qui les nettoie et les livre ensuite à ceux qui offrent de les mâcher. Cette opération est nécessaire pour que l’eau puisse plus facilement absorber les parties épicées de la substance fibreuse. Ainsi triturées, les racines sont réunies dans un vase où l’on verse d’abord de l’eau, puis le préparateur les agite, les presse, les pétrit, afin d’en exprimer tout le suc ; après quoi, jetant le tout dans un filet à larges mailles, il le tord de nouveau avec une grande force, de manière à ce que la partie énergique de la racine en découle entièrement. Un kava bien confectionné fait le plus grand honneur au préparateur : le kava a ses artistes. Quand la boisson est prête, le chef en règle la distribution avec un grand cérémonial. Chaque convive a préparé une coupe naturelle, à l’aide de feuilles de cocotier : cette coupe ne peut servir qu’une fois ; après y avoir bu, on la jette pour en fabriquer une autre. L’étiquette la plus sévère préside à l’appel