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encore la satisfaction demeura-t-elle incomplète, puisque le principal coupable ne fut pas rendu à ses supérieurs et livré à la justice navale.

Ce coupable était le même Simonet que l’on retrouvait à Vavao. Depuis le jour de sa désertion, il avait essuyé des fortunes diverses. Proscrit par les chefs indigènes, il avait quitté Tonga-Tabou, et s’était promené d’île en île sans pouvoir se fixer nulle part. Turbulent et débauché, la mission l’avait mis à l’index : on l’accusait d’être catholique et de vendre de l’eau-de-vie aux naturels. À quelque temps de là, ce fut bien pis encore. Un missionnaire français ayant paru sur ces rivages, Simonet crut devoir se constituer son défenseur, son interprète. La partie était trop inégale : le missionnaire catholique fut forcé de se rembarquer précipitamment ; mais avant de partir, ce prêtre laissa entre les mains du matelot une lettre adressée au premier capitaine de la marine française qui relâcherait sur ces côtes. Naturellement cette pièce pouvait amener des représailles. Les missionnaires luthériens voulurent l’anéantir : Simonet la leur refusa. Alors on résolut sa perte. Enlevé et déporté dans une île inhabitée, il ne fut arraché à cet exil qu’après avoir payé une rançon de vingt piastres d’Espagne, et quand parurent l’Astrolabe et la Zélée, on l’envoya garrotté à bord des corvettes comme un malfaiteur. Là, Simonet chercha à atténuer ses torts, à expliquer sa conduite ; mais le commandant le fit mettre aux fers et ne le relâcha qu’à la Nouvelle-Zélande, où il fut débarqué.

Pendant que l’expédition se reposait à Vavao, nos voyageurs mirent leur temps à profit pour étudier l’archipel de Tonga et ses races, fort curieuses. Déjà, dans un séjour antérieur, M. d’Urville avait recueilli sur cette contrée des notions étendues ; il les compléta dans sa relâche nouvelle, et on nous saura gré de résumer ici rapidement le travail du navigateur le plus exact peut-être que l’Océanie ait inspiré.

Le type est beau dans ces îles. Les hommes y sont de haute stature ; ils ont le nez aquilin, les lèvres minces, les cheveux lisses, le teint d’un jaune animé. Les femmes sont gracieuses, et dans le nombre il s’en rencontre de vraiment belles. Le buste chez les deux sexes est ordinairement nu : des étoffes de tapa (broussonetia) leur couvrent le reste du corps jusqu’à mi-jambe. Le caractère de ces peuples a été l’objet des jugemens les plus opposés, ce qui prouverait chez eux ou une grande mobilité d’humeur, ou une dissimulation raffinée. Leur état social est fort avancé. La famille y obéit à des cou-