Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/641

Cette page a été validée par deux contributeurs.
633
EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

ruque. Le pays offre un aspect de richesse et d’abondance. Les cases, propres et symétriques, ressemblent à des ruches à miel ; les pirogues, merveilleusement ajustées, ont jusqu’à cinquante pieds de long et sont manœuvrées avec une adresse infinie. Habiles et industrieux, les habitans excellent dans la fabrication des nattes, dont ils fournissent les archipels voisins. C’est en somme un peuple avancé, intelligent, prêt pour la civilisation.

Vavao, dans l’archipel de Tonga-Tabou, où se rendirent ensuite l’Astrolabe et la Zélée, est une station encore plus intéressante. Les missions luthériennes, si promptes à s’emparer de toutes les positions, n’ont pas négligé ce groupe, qui s’étend du 18e au 22e parallèle, et comprend deux grandes îles et une infinité de petits îlots. L’archipel de Tonga-Tabou marche presque de pair, pour l’importance, avec ceux de la Nouvelle-Zélande, de Taïti et des Sandwich. Il appartient, comme eux, à la race polynésienne et aux tribus les plus intelligentes de cette race. Il a ses traditions religieuses, son histoire militaire, ses grands hommes, sa généalogie de souverains. À Tonga-Tabou, l’autorité des anciens jours se perpétue ; mais aux îles Hawaï et à Vavao l’influence des missionnaires semble avoir prévalu sur les pouvoirs idolâtres. De là une guerre intestine qui ne cessera qu’avec la conversion totale de ce groupe. Vavao est entièrement chrétien : les missionnaires Thomas et Brooks y tiennent les rênes du gouvernement, en même temps qu’ils dirigent les ames. Tonga-Tabou est plus rebelle : à diverses époques, les wesleyens ont tenté de s’y établir, et la persécution les en a chassés. La résidence du roi et de la reine est à Vavao, devenu ainsi le vrai chef-lieu de l’archipel, et tôt ou tard cette circonstance ramènera les îles dissidentes à l’obéissance et à l’union.

À peine les deux corvettes étaient-elles mouillées sur cette baie que le couple royal se rendit à bord en compagnie des chefs de la mission. L’entrevue fut des plus amicales. M. d’Urville et le missionnaire Thomas n’eurent qu’à renouveler connaissance. Ils s’étaient déjà vus en 1827. Une rencontre plus inattendue fut celle d’un matelot, nommé Simonet, qui avait déserté de l’Astrolabe dans le cours de sa première campagne. Poussée par une tempête violente, la corvette, onze ans auparavant, s’était débattue pendant quatre jours contre les écueils, et, sauvée de ce péril, elle avait eu ensuite à se défendre d’un complot tramé par deux marins dont le résultat fut l’enlèvement d’un canot avec les hommes qui le montaient. Il fallut alors avoir recours au canon pour obtenir la satisfaction de cette injure, et