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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

glaces par le 70e parallèle, il était naturel de croire que les abords du pôle offraient moins de difficultés dans cet hémisphère que dans le nôtre. Recherchant la théorie de ce fait, M. d’Urville avait pu l’entrevoir dans l’absence de grands continens du côté du sud et dans l’action plus efficace des vents sur des mers plus vastes. Quoi qu’il en soit, la solution de ce problème était assez intéressante pour aborder l’entreprise, même en courant le risque d’un échec. Les tentatives de Parry et de Ross, dans la zône boréale, ne sont pas restées sans éclat, quoique infructueuses. Ici d’ailleurs le champ était plus nouveau, moins circonscrit, moins embarrassé. Tout le monde le crut à bord des corvettes, et les équipages quittèrent Toulon le 7 septembre 1837, pleins d’ardeur et d’espérance. Le capitaine d’Urville montait l’Astrolabe, le capitaine Jacquinot commandait la Zélée.

Les premiers mois du voyage n’offrirent qu’un très médiocre intérêt. On traversait alors des mers trop connues. La curiosité ne se réveilla que dans le détroit de Magellan et au mouillage du Port-Famine. Des paysages vigoureux, une nature vierge encore, fixèrent sur-le-champ l’attention. On retrouva quelques traces du séjour du capitaine King et de deux baleiniers américains. Ces circonstances rendirent les équipages au sentiment de leur mission aventureuse. On commença les travaux soit à terre, soit à bord, et la carte du détroit fut rectifiée en plusieurs points à l’aide de relèvemens précis. Cependant les tribus voisines s’étaient familiarisées avec nos marins ; on avait aperçu des Patagons et des Pecherais. Ces premiers n’ont rien des mœurs farouches que les anciens géographes leur ont attribuées. De haute taille sans être gigantesques, ils montrent un caractère doux et sociable, des mœurs simples et indolentes. Les Pecherais, bien plus dégradés au physique, ont également des habitudes paisibles. Toute la différence entre les deux races, sorties sans doute d’une souche commune provient de leur manière de vivre. Le Patagon est chasseur ; le Pecherai est pêcheur ; celui-ci ne quitte pas sa pirogue, celui-là son cheval. Les uns et les autres sont d’une bienveillance extrême envers les étrangers, et deux matelots américains, abandonnés sur cette plage, avaient trouvé pendant plus d’un an, chez les Patagons, une hospitalité fraternelle. M. d’Urville recueillit ces malheureux, qui, après la croisière antarctique, furent débarqués au Chili.

On se trouvait alors à la fin de décembre, et il était temps de se diriger vers le pôle. De tous les navigateurs qui avaient pris cette route, Weddell était le seul dont on pût suivre les traces. Cook,