Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/618

Cette page a été validée par deux contributeurs.
610
REVUE DES DEUX MONDES.

Il n’est pas d’homme sensé qui ne soit convaincu que le traité n’aurait été signé en présence de la France in procinctu, toute préparée au combat. Il ne l’aurait pas été, quand même nos ministres auraient osé crier à tue-tête qu’ils voulaient la paix à tout prix, et que rien au monde ne les aurait déterminés à brûler une amorce. Nous avons assez montré à l’étranger que les ministres ne sont pas immortels chez nous, et que nous pouvons d’un instant à l’autre changer d’hommes et de système. Ce n’est pas à nos déclarations, c’est à notre impuissance que les étrangers se fiaient. Ils se rassuraient, ils osaient, parce que notre épée était brisée. Qu’importe le bras, lorsque l’épée manque ? Mais si elle existe, et fortement trempée, l’étranger a-t-il besoin d’apprendre que le bras pour la manier ne manquerait jamais à la France ?

La paix aurait donc été maintenue, cette paix dont nous ne méconnaissons certes pas les bienfaits, cette paix qu’avec tous les hommes sensés, raisonnables, nous désirons vivement conserver au pays. Mais dans l’état actuel des choses et du monde politique, la paix de la France désarmée serait une paix honteuse, la paix de la France armée et faisant chez elle ce que bon lui semble est seule une paix digne et honorable.

L’option n’est donc pas entre la paix et la guerre, mais entre l’abaissement et la paix, entre une paix imprévoyante, impuissante, résignée à tout souffrir, et une paix pleine de force et de prudence, connaissant les droits du pays, et décidée à les maintenir envers et contre tous, comme il convient à une grande puissance qui veut tout aussi peu chercher de méchantes querelles à ses voisins qu’être le jouet de leurs caprices ou la victime de leur égoïsme.

C’est de ce point de vue, c’est à la lumière de ces vérités, que nous envisageons la grande question des fortifications de Paris. Nous sommes heureux de nous trouver aujourd’hui parfaitement d’accord avec l’homme de guerre qui, dans sa longue carrière a donné tant de preuves de dévouement à la France, et a si vaillamment combattu pour la gloire et la dignité du pays le jour même où il n’était plus possible de combattre pour ses intérêts.

C’est avec le vainqueur de Toulouse que nous aimons à répéter que, « plus on ajoutera de garanties à la défense du pays plus on donnera de gages au maintien de la paix ; car la paix se fonde sur la force, et on ne peut la dicter et l’accepter honorablement qu’à ce prix. »

C’est avec lui que nous rappelons que, « en fait de dignité nationale, il y a des entreprises qu’on peut débattre longuement avant de les décider, surtout avant de les proclamer, mais sur lesquelles il n’est plus possible d’hésiter, une fois qu’elles ont été résolues et annoncées. »

C’est encore en empruntant ses paroles que nous disons : « C’est quand on n’a pas sujet de le craindre, qu’on peut supposer le danger et qu’on doit le prévenir. Faudrait-il attendre ici des coalitions renaissantes, pour y opposer l’enthousiasme indiscipliné du patriotisme qui cherche quelquefois le salut public dans des moyens extrêmes de résistance, et qui supplée par la