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mieux attendre, dit-il, de ce vrai Charlemagne (di questo Carlo veramente magno), et de sa très glorieuse mère, et des deux Césars ses frères ? Que dire des princes de la maison de Guise et de ces autres seigneurs qui ont exécuté, avec autant de valeur que de prudence, les très saints ordres de leur bon roi, et qui n’applaudirait à ce peuple parisien qui s’est levé avec tant de joie, etc. ?… Soit loué le Dieu tout-puissant, qui me donne occasion de vous annoncer ces merveilleuses nouvelles, et soit béni le triomphant saint Barthélemy, qui, dans le jour de sa fête, a daigné prêter aux fidèles son tranchant couteau[1], pour l’accomplissement du sacrifice salutaire ! »

Cependant, continue l’auteur, à la suite de la crise fatale qui détruisait les résultats de sa courageuse persévérance, la reine-mère tomba dans une consternation profonde. Mais, chez les natures fortes, le découragement n’est jamais de longue durée ; le grand ressort, un instant relâché, reprend subitement une énergie nouvelle. Catherine se remit donc bientôt à l’œuvre, et renoua les trames politiques qui avaient pour but de fortifier la faction des huguenots, comme contre-poids au parti catholique. Les dépêches d’un nouvel ambassadeur florentin, beaucoup plus clairvoyant que son prédécesseur, témoignent fréquemment de ces dispositions. Il résulte de ces pièces que, deux mois après la Saint-Barthélemy, la cour prend des mesures pour prévenir un nouveau massacre, et fait punir ceux qui le méditaient. Le cardinal Orsini, envoyé en France pour présenter les félicitations du saint-siége, n’est pas admis en présence du roi. Il reçoit à la cour un accueil si froid, qu’il demande aussitôt son rappel : on le laisse partir et on donne ordre aux gouverneurs provinciaux d’éviter les démonstrations sur son passage. La conduite du siége de La Rochelle est confiée au maréchal de Biron, qu’on croit huguenot, ou tout au moins ennemi des Guises. D’autres agens étrangers, attachés au parti catholique, se plaignent également des machinations de la reine-mère pour rétablir la cause de la réforme.

La peine que M. Alberi a prise, pour laver la mémoire de son héroïne des soupçons qui pèsent sur elle, donne trop souvent à sa narration le ton du panégyrique. On sent que, dans le choix et dans le développement de sa thèse, il a été préoccupé du désir de justifier le génie italien, dont Catherine de Médicis est, dans l’opinion des peuples septentrionaux, un des types le plus rembrunis… Il n’a rien négligé d’ailleurs pour que son plaidoyer se présentât avec tous les genres de séductions. Les grands personnages qui ont balancé avec Catherine les destinées de la France, revivent autour d’elle, dans une collection de dix-huit portraits, dessinés d’après les originaux les plus célèbres, avec un remarquable sentiment de la réalité historique. Le livre que M. Alberi a modestement présenté comme un essai, prendra donc rang parmi ceux qu’il est nécessaire de consulter pour connaître le XVIe siècle, et il en sortira un utile enseignement. En pensant que les Guises, ennemis acharnés

  1. On sait que saint Barthélemy, qui fut écorché vif, est ordinairement représenté avec un couteau à la main.