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REVUE LITTÉRAIRE.

mission des libraires sont exacts, presque tous les pays de l’Europe laisseraient voir des dispositions également conciliantes. Ainsi, chaque fois qu’on aura réalisé dans un traité une stipulation analogue, la librairie française regagnera un nouveau champ d’exploitation, de sorte qu’à la fin la contrefaçon, honnie, chassée de toutes parts, languira dans son repaire, où elle sera traquée, et ne tardera pas à y périr faute d’air et de mouvement.

En attendant ces heureux résultats, que la critique, pouvoir dépourvu d’initiative, continue son humble tâche, qui est de refléter son époque, de signaler les livres saillans à leur apparition, de mettre en lumière les faits nouvellement énoncés, la somme d’utilité qu’ils présentent, et d’indiquer, autant que possible, la place assignée à chaque ouvrage dans l’ordre scientifique auquel il se rapporte.


Économie politique des Romains, par M. Dureau de La Malle[1]. — L’économie politique, science toute moderne, n’est pas autre chose qu’une analyse des phénomènes sociaux, qu’une méthode à l’aide de laquelle on parvient à décomposer les forces qui entrent en jeu dans une communauté politique. Elle classe les divers genres de malaise qui affectent les nations, et fournit, sinon le secret de la guérison, au moins la chance de prévenir le trouble, en décrivant les symptômes par lesquels il s’annonce. D’après cet exposé, l’histoire économique d’un ancien peuple devrait être avant tout une application du procédé analytique moderne aux résultats constatés par les historiens, de telle sorte que le principe et le fait s’éclairassent l’un par l’autre. Le livre que M. Dureau de La Malle a décoré du titre sonore d’Économie politique des Romains, ne répond pas strictement à ce programme. On y trouve de fort curieuses recherches sur les poids et mesures des anciens, sur le prix vénal des denrées et des services, sur la force numérique des populations italiennes, sur les procédés agricoles et sur divers points de l’administration romaine ; mais on s’attend, sur la foi du titre, à un ensemble de solutions en harmonie avec le plan ordinaire des traités d’économie politique, et on est déçu. Il faut feuilleter la table des matières, et courir sans ordre au travers du livre, pour y recueillir des enseignemens sur la manière dont s’opéraient dans le monde romain la production des richesses, le mouvement des capitaux, l’organisation du travail, que le cours des siècles a souvent modifiée, les phénomènes de la circulation intérieure, les fluctuations du numéraire et les tâtonnemens dans la voie du crédit. L’auteur ne s’est pas aveuglé sur la légitimité de cette critique, et il croit se justifier en disant dans son avant-propos : « Si j’avais eu la prétention de traiter ce sujet à fond, ce livre n’aurait probablement jamais vu le jour. » Nous savons qu’un érudit ne peut jamais être complet dans toute la rigueur du mot, et que toujours quelques documens échapperont à ses recherches, quelles que soient son ardeur et sa clairvoyance ;

  1. Deux vol. in-8o, chez Hachette, rue Pierre-Sarrasin, 12.