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qui trouve de nos jours l’éditeur qui lui a manqué jadis. Dans une Histoire du Parlement de Normandie, qui ne fournira pas moins de six volumes, M. A.Floquet a su tirer une narration lucide et animée de l’effrayant amas de registres et de dossiers dont se composent les archives de l’ancien Échiquier de Rouen. Il est à croire que les auteurs et éditeurs des livres destinés à l’illustration de nos départemens sont encouragés par le succès, puisque leur nombre augmente sans cesse. N’est-ce pas un phénomène littéraire vraiment digne d’attention que cet éveil des provinces, tandis qu’une sorte d’engourdissement se manifeste à Paris ?

Pour parler convenablement des livres consacrés à l’histoire étrangère, il faudrait faire une station dans chaque pays, car il est peu de contrées européennes qui n’aient donné lieu à de remarquables publications. Une section vraiment riche par le nombre et par l’importance des ouvrages est celle qui est consacrée à l’histoire de la littérature et des arts. Rappelons en courant le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, dont les tableaux littéraires ont un charme particulier, parce qu’il sait faire aimer tous les personnages qu’il fait revivre ; une piquante Vie d’Horace, par M. Walckenaër ; le livre de M. Ampère, sur les origines de la littérature française, beau travail doublement couronné, par les suffrages de l’institut et par ceux des lecteurs éclairés. Les grands livres à figures, dont l’exécution exige le concours de plusieurs artistes, ne peuvent être produits que par des hommes assez bien placés dans la société pour faire le sacrifice de leur temps et d’une partie de leur fortune. Il se trouve encore des esprits sains et généreux qui préfèrent aux jouissances égoïstes des riches la passion des arts, passion ruineuse comme beaucoup d’autres, mais qui du moins n’est pas sans noblesse. Remercions M. Du Sommerard, dont le bel ouvrage sur les Arts au moyen-âge est une révélation d’autant plus précieuse pour nous qu’elle fait remonter au premier rang beaucoup d’artistes français oubliés depuis long-temps. M. le comte de Bastard poursuit de son côté un ouvrage qui présentera une histoire de l’art par les manuscrits. C’est une reproduction exacte et splendide des pages les plus célèbres des manuscrits anciens, avec leur luxe de coloris, leur dorure étincelante, avec toutes les coquetteries particulières à chaque époque. Chaque feuille de cet ouvrage fait tableau : le livre entier sera une riche galerie. Pour donner une idée de sa magnificence, il suffit de dire qu’il aura au moins douze livraisons d’un très petit nombre de feuilles, et que chaque livraison a dû être portée à un prix qui excède celui des ouvrages les plus volumineux et les plus splendides publiés jusqu’à ce jour.

Le plus grand, le plus utile travail bibliographique que la France ait produit après la Bibliothèque historique de Lelong et Fontette, la France littéraire de M. Quérard, va enfin être complété après dix ans de persévérance. Une pareille entreprise ne pouvait être conduite à bonne fin que par un accord de qualités assez rares dans les régions littéraires ; chez l’auteur, ce zèle imperturbable qui touche au fanatisme, chez l’éditeur, le désir d’attacher son nom à une œuvre vraiment utile ; chez l’un et chez l’autre, un désintéresse-