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chéance fût ou non raisonnable, il appartenait au sultan seul, conseillé par ses augustes alliés, de la maintenir ou de la révoquer. La France n’était pas plus autorisée à s’en mêler que de la nomination ou de la destitution du gouverneur du Canada ou du lord lieutenant d’Irlande !

L’article collectif des trois ministres se termine d’ailleurs par quelques mots de regret sur le mécontentement de la France. Ce sont ces dernières phrases que certains journaux français ont pris soin de détacher du reste et d’offrir comme une preuve des excellens sentimens de l’Angleterre à notre profonde gratitude.

Il n’est pas besoin maintenant, je pense, de chercher quelle a été dans la question d’Orient la vraie pensée de l’Angleterre. Ce qu’elle a voulu abattre en Égypte et en Syrie dans la personne de Méhémet-Ali, comme en Espagne dans la personne de la reine régente, c’est l’influence française ; ce qu’elle a voulu fonder, c’est sa puissance sur les débris de la nôtre. Maintenant le but est atteint, et déjà l’on se dit qu’après s’être servi de la Russie pour abaisser la France, il serait doux de se servir de la France pour affaiblir la Russie. De là les politesses qu’on nous fait et la peine qu’on veut bien se donner pour nous prouver qu’après tout les derniers évènemens nous sont très avantageux, et que nous n’y avons perdu que des embarras et des illusions.

Si tel est vraiment l’état des choses, on comprendra facilement que les premières séances du parlement ne m’aient pas, comme certaines personnes, transporté d’aise et rempli d’admiration. Whigs, tories et radicaux, tout le monde, il est vrai, a cru devoir parler poliment de la France ; mais tout le monde, en même temps, à deux ou trois orateurs près, a donné à la politique dont la France se plaint justement une complète adhésion. Voilà le résultat dont on a osé se vanter comme d’une réparation éclatante et presque comme d’un triomphe ! Ainsi l’Angleterre aura, depuis six mois, fait, malgré la France, contre la France, tout ce qu’elle voulait, et comme elle le voulait ! Par sa diplomatie et par ses armes, notre puissance sera abaissée, notre influence détruite, notre honneur compromis ! Puis, après cela, il suffira de cinq ou six phrases bienveillantes pour que tout soit fini, pour que nous nous tenions pour contens, pour que nous nous sentions pénétrés d’orgueil et de reconnaissance ! Pour ma part, je comprends tout autrement la situation qu’on nous a faite et les sentimens qu’elle doit nous inspirer. Je ne suis point de ceux qui se sont plaints que le nom de la France fût omis dans le dis-