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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

devenue que le jour où toute chance d’une collision avec la France a complètement disparu ; l’autre, qui est la conséquence de la première, qu’avec un peu plus de persévérance la France eût obtenu, non peut-être tout ce qu’elle désirait, mais une concession suffisante pour sauver ses intérêts et mettre à couvert son honneur ; et cette concession, qu’on le remarque bien, l’Angleterre, si ce n’est lord Palmerston, pouvait la faire sûrement et honorablement. Quand on est quatre contre un, on a le droit incontestable de se montrer prudent et modéré.

Tous ces faits bien établis, il reste encore, avant d’arriver à l’ouverture du parlement, une question à examiner. Quelle a été, en signant le traité, la vraie pensée de l’Angleterre, ou, si l’on veut, du cabinet whig et de lord Palmerston ?

Il est d’abord deux explications officielles que lord Palmerston me permettra de ne pas prendre au sérieux : celle qui présente le traité du 15 juillet comme un moyen de prévenir la guerre, et celle qui prétend y découvrir l’anéantissement de la prépondérance russe à Constantinople. En Angleterre même, la risée publique a fait bonne et prompte justice de cet étrange système qui consiste à faire la guerre pour la prévenir, et à allumer soi-même l’incendie de peur qu’il n’éclate. Quant à la Russie, il est vraiment par trop naïf de supposer qu’elle ait poursuivi avec tant de persévérance et d’ardeur l’accomplissement du traité qui devait lui porter un coup si rude. En France, si ce n’est en Angleterre, on rend plus de justice à la politique russe, et on comprend parfaitement les motifs qui l’ont déterminée à sacrifier l’ombre au corps et l’apparence à la réalité. Après comme avant le traité, les flottes et les armées russes sont aux portes de Constantinople, et, tout rétabli qu’il est dans son indépendance et son intégrité, l’empire ottoman n’est certes pas aujourd’hui plus qu’il y a six mois en mesure de les en éloigner. L’unique différence, c’est que l’alliance anglo-française est rompue, et que le plus grand obstacle aux desseins de la Russie se trouve ainsi détruit ou écarté.

Mais outre les deux buts que je viens de signaler, le traité, selon les publicistes dévoués à lord Palmerston, en a un autre encore bien respectable assurément et bien sacré. Qu’est-ce après tout que Méhémet-Ali ? un sujet rebelle. Qu’est-ce que le sultan ? le souverain légitime de l’empire ottoman. Le droit est donc du côté du sultan, précisément comme il serait du côté de la reine d’Angleterre si le