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le plus grand des ministres. Les tories prirent leur parti et se rangèrent du côté de la victoire. Les radicaux extrêmes se turent et réservèrent pour un temps meilleur leur opposition. Depuis ce moment d’ailleurs, la politique anglaise marcha de succès en succès. Ce fut d’abord la chute du ministère du 1er mars, puis la prise de Saint-Jean-d’Acre, puis le vote de l’adresse, et chacun de ces évènemens consolida l’alliance qui venait de s’établir, aux dépens de la France, entre tous les partis.

En Angleterre comme en France, il y a donc eu, qu’on ne l’oublie pas, deux périodes fort distinctes et que sépare la prise de Beyrouth, l’une de fermeté et de presque unanimité, l’autre de division et d’incertitude ; mais ces deux périodes ne correspondent pas l’une à l’autre dans les deux pays, ou plutôt correspondent en sens inverse. Pendant la première, quand on craignait encore que la France ne fît la guerre, il existait en Angleterre beaucoup d’hésitation et de doute. Pendant la seconde, quand on fut assuré que la France resterait tranquille, le doute et l’hésitation disparurent. Et qu’on ne croie pas qu’à mesure que la France se montrait plus accommodante, les exigences à son égard devinssent moins impérieuses, l’opinion moins injuste, le langage moins amer. C’est précisément tout le contraire. Sous le ministère du 1er mars, on avait bien voulu reconnaître que la France avait droit à certains égards, à certaines concessions, et qu’il ne fallait pas blesser sa juste susceptibilité. Sous le ministère du 29 octobre, il fut établi que la France avait tort « du commencement à la fin, en droit et en fait, selon l’esprit et selon la lettre, dans l’esprit et dans la forme, » et qu’elle devait se tenir pour contente, si, oubliant ses folles menaces, on consentait à la faire rentrer dans l’association européenne. On ne tarda pas à découvrir aussi que la paix armée et les cinq cent mille hommes de M. Guizot n’étaient guère moins dangereux que les neuf cent mille hommes et la guerre possible de M. Thiers. À la fameuse lettre de lord Melbourne contre les neuf cent mille hommes et la guerre possible succéda donc une lettre du duc de Wellington contre les cinq cent mille hommes et la paix armée, lettre colportée dans quelques salons, mais qui, grace au vote formel de la chambre, n’a pas encore produit le même effet. Aujourd’hui, whigs et tories se réunissent pour signifier à la France que son attitude inquiète l’Angleterre, et qu’elle doit en changer.

Du récit que je viens de faire, il y a, ce me semble, deux conclusions à tirer : l’une que, si la politique de lord Palmerston est aujourd’hui populaire en Angleterre, elle ne l’était pas d’abord, et ne l’est