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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

quand elle n’a pas pour objet la défense directe et incontestable du territoire et de l’honneur national.

Je le dis avec une entière sincérité, plus j’examine l’état des esprits à cette époque, plus je me persuade que la politique de lord Palmerston n’avait point l’assentiment national, et que s’il eût cru à la ferme détermination de la France, le pays eût pesé sur son gouvernement pour lui imposer une honorable transaction. C’est ce que lord Brougham exprimait il y a peu de jours à la chambre des lords, dans des termes qu’il est bon de reproduire : « Tout le monde sait, disait lord Brougham le 26 janvier dernier, que si la portion libérale du pays avait appris tout à coup que la guerre était imminente entre l’Angleterre et la France, elle se serait levée comme un seul homme pour enjoindre au gouvernement de maintenir la paix, quoi qu’il pût arriver. » À la chambre des communes, un des membres les plus éclairés du parti tory, M. Milnes, a dit à peu près la même chose. Lord Palmerston, au reste, connaissait et craignait cette disposition ; c’est pourquoi, tout en expédiant en Orient l’ordre de se hâter et d’en finir promptement à tout prix, il cherchait à contenir à la fois la France et l’Angleterre, en laissant espérer une révision amiable du traité et un honorable arrangement.

La comédie, pourtant, tirait vers sa fin, et l’Angleterre, mise en demeure par les concessions de Méhémet-Ali, allait être forcée de dire son dernier mot, quand arriva la nouvelle de la prise de Beyrouth. On sait quel effet produisit en France cet évènement, qui glaça soudainement tant d’ardeurs, abattit tant de courages, retourna tant d’opinions. En Angleterre, l’impression fut naturellement toute contraire, et l’amour-propre national satisfait commença à venir en aide à la politique de lord Palmerston. Dans le premier moment, néanmoins, la satisfaction n’était pas sans mélange, et l’on attendait avec inquiétude les nouvelles de France. Mais quand on vit que la France, au lieu de s’irriter, se calmait ; quand on apprit ce qui se passait dans le cabinet et hors du cabinet ; quand en outre l’insurrection de Syrie et l’inaction d’Ibrahim vinrent donner l’espoir fondé que la résistance serait courte et que tout se terminerait avant l’hiver, il n’y eut plus, à vrai dire, en Angleterre qu’une opinion et qu’une voix. Lord Palmerston avait prédit deux choses, que le pacha d’Égypte serait facilement vaincu, et que la France céderait. Or, la double prédiction se réalisait, et lord Palmerston était triomphant sur tous les points. Les whigs et les radicaux modérés, délivrés d’une pénible anxiété, battirent donc des mains, et proclamèrent lord Palmerston