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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

Les whigs suivaient donc, et une fois engagés, ils s’irritaient d’autant plus qu’au fond de l’âme ils sentaient mieux leur faute. Pour mettre leur conscience en repos, il fallait absolument que la prédiction de lord Palmerston s’accomplît, et que la France restât spectatrice inerte et soumise de l’exécution du pacha. Chaque mot qui se disait en France et chaque mesure qui s’y prenait soulevaient donc au sein du parti whig de violentes colères. On a souvent parlé du ton de bravade des journaux français pendant la crise. Je voudrais que ceux qui répètent ce reproche voulussent bien parcourir avec quelque attention la collection du Morning-Chronicle, du Globe et du Sun depuis la signature du traité. Je ne sache pas, pour ma part, de langage plus froidement insultant, plus outrageusement ironique. Et cependant, qu’on le remarque bien, il était plus facile à l’Angleterre qu’à la France de garder dans cette circonstance son sang-froid et sa modération. La France se sentait abandonnée et se croyait injuriée. L’Angleterre avait fait l’injure, et s’appuyait, pour en répondre, sur trois alliés puissans.

Il n’y a rien à dire des Irlandais, qui, cette fois comme toujours, subordonnèrent la question générale à leurs intérêts locaux. O’Connell fit bien quelques discours pour insulter de nouveau l’empereur Nicolas, et pour reprocher à lord Palmerston d’avoir donné la main à celui qu’il appelle « un monstre couronné ; » mais la conclusion de ses discours fut toujours qu’il fallait profiter de la circonstance, et n’aider l’Angleterre, en cas de guerre, que si l’Angleterre achetait, par de nouvelles concessions, le secours de l’Irlande. L’Irlande n’était donc point, pour la politique française, un point d’appui actuel. Mais si la situation se compliquait, on ne pouvait douter que ce pays ne dût donner au gouvernement anglais, quel qu’il fût, de sérieux embarras. C’était pour tous les hommes sensés en Angleterre, et particulièrement pour les tories, un grave motif de ne s’engager dans aucune guerre continentale qu’à la dernière extrémité.

Il faut le reconnaître, le seul parti qui, du commencement à la fin, se montra franchement, décidément hostile au traité du 15 juillet et favorable à la France, ce fut le parti radical, non dans celle de ses fractions qui touche aux whigs, et se confond presque avec eux, mais dans tout ce qu’il a d’énergique et d’ardent. Au parlement, cette portion du parti radical s’était nettement prononcée, dans la chambre des lords, par la bouche de lord Brougham, dans la chambre des communes par celles de MM. Hume et Leader. Elle eut dans la presse pour organes, le Spectator, l’Examiner (ce dernier avec