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l’Angleterre, deux refus pendant que le parti modéré gouvernait l’Espagne et que la France y avait quelque influence.

Plus tard, à la vérité, en 1836, l’Angleterre se ravisa, et ce fut elle-même qui insista pour l’intervention. Mais les circonstances étaient changées. De 1834 à 1836, les puissances du Nord, que l’alliance anglo-française gênait et inquiétait avaient fait à Paris de grands efforts pour démontrer que cette alliance était funeste, et que la France, si elle voulait y moins tenir, trouverait ailleurs de larges compensations. Placé entre les flatteries intéressées des cabinets du Nord et les exigences un peu capricieuses du cabinet anglais, le cabinet des Tuileries se trouva donc dans la nécessité de faire un choix, et de se prononcer pour l’action avec lord Palmerston, ou pour la temporisation avec M. de Metternich. Ce fut, on le sait, M. de Metternich qui l’emporta, et lord Palmerston resta seul contre tous. Il est inutile de dire que son irritation contre le cabinet des Tuileries s’en accrut considérablement.

De ce jour à l’avènement du 12 mai, c’est-à-dire pendant toute la durée du 6 septembre et du 15 avril, il n’y eut entre la France et l’Angleterre que froideur et aigreur. L’alliance, sans doute, n’était pas officiellement rompue, et chaque année les discours du trône y faisaient allusion ; mais c’était une alliance dénuée de toute bienveillance et de toute cordialité. Sans parler des incidens secondaires qui sur plusieurs points du globe firent éclater entre les deux peuples de vives jalousies et des rivalités acharnées, on eut, dans l’affaire belge, où l’Angleterre n’hésita pas une minute à se séparer de la France, une preuve éclatante de cette disposition. Dès cette époque d’ailleurs, les cours du Nord, satisfaites d’avoir à demi brouillé la France et l’Angleterre, commençaient à s’adoucir singulièrement pour le cabinet whig et même pour son ministre des affaires étrangères. M. de Metternich, deux ans auparavant, l’antagoniste le plus décidé de ce ministre, reconnaissait qu’après tout lord Palmerston avait du bon, et qu’il gagnait à être connu. Il travaillait donc activement et fructueusement à renouer les vieilles relations politiques et commerciales de l’Angleterre et de l’Autriche. Ainsi, tandis que le cabinet des Tuileries se croyait recherché par tout le monde et maître de choisir ses alliés à son gré, le cercle allait chaque jour se rétrécissant, et l’isolement se préparait. On ne comprendrait pas ce qui s’est passé dernièrement si l’on n’avait sans cesse sous les yeux ce double travail des cours du Nord, d’une part pour séparer le cabinet des Tuileries du cabinet whig, de l’autre pour se rapprocher elles-mêmes de ce dernier cabinet.