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DE L’ALLIANCE ANGLO-FRANÇAISE.

pouvoir et que lord Grey remplaça le duc de Wellington ; or, par ses antécédens, par ses principes, le parti whig était l’ami naturel de la France libérale, et pour nouer une alliance solide, il suffisait que lord Grey ne démentît pas les hommes d’état illustres dont il s’honorait, à juste titre, d’avoir été le confident et le collègue. Lord Grey d’abord fut fidèle à son origine, et, lors de la première expédition française en Belgique, fit tête avec beaucoup de fermeté aux clameurs qui, partant de plusieurs points du royaume, et surtout de la Cité, accusaient le ministère anglais de livrer Bruxelles et Anvers à l’ambition de la France. Quand, quinze mois plus tard, le ministère du 11 octobre résolut le siége d’Anvers, lord Grey montra un peu plus d’incertitude, et ce ne fut pas sans quelques efforts qu’on obtint son adhésion. Elle vint pourtant, mais après que l’ordre d’entrer en campagne avait été déjà donné par le cabinet. Parmi les actes de la politique française depuis 1830, c’est assurément un de ceux qui font le plus d’honneur au gouvernement, et qui tranchent le plus vivement avec ce que nous avons vu depuis.

Bien qu’un peu tardive, l’accession de l’Angleterre au siége d’Anvers était un fait important et qui marque, à vrai dire, le point culminant de l’alliance anglo-française. Dans cette occasion en effet, la France et l’Angleterre, liées par une convention séparée, agissaient ensemble contre le vœu bien connu des autres puissances, et soutenaient en commun la cause libérale et révolutionnaire contre la cause absolutiste. C’était un premier pas qui fut bientôt suivi d’un second, mais non sans quelque peine. Le roi d’Espagne était mort laissant un royaume partagé et une succession disputée ; or, des cinq puissances européennes, la France et l’Angleterre seules avaient, dès le début, reconnu la jeune reine. Là donc se trouvait encore une occasion naturelle de resserrer l’alliance et de la rendre efficace et sérieuse. On croit généralement que l’Angleterre s’y prêta tout d’abord, et que les difficultés, s’il y en eut, vinrent surtout de la France. C’est une grave erreur, et voici au contraire ce qui se passa. Au commencement de 1834, on s’en souvient, don Carlos et don Miguel réunis menaçaient à la fois les deux trônes constitutionnels d’Espagne et de Portugal. Pour mettre fin à cette situation qui, en Portugal surtout, compromettait gravement ses intérêts, l’Angleterre entama, par l’intermédiaire de M. de Miraflores, une négociation secrète avec l’Espagne et le Portugal, négociation qui devait unir les trois pays, sans qu’il fût question de la France. En conséquence, un traité fut signé et communiqué à M. de Talleyrand,