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de troubles civils, et lorsque malheureusement le crime ne craint pas de choisir ses instrumens dans les classes instruites, il n’est que trop permis de supposer un auteur qui rachèterait dans la solitude de la prison, par d’importans travaux, le mal qu’il aurait fait à la société, et s’efforcerait de gagner quelque gloire et du pain pour sa famille. Bacon a presque fait oublier le chancelier prévaricateur. Pourquoi la clémence royale ne descendrait-elle pas sur le conjoint et les parens ? Pourquoi livrer à la cupidité mercantile cette propriété, qui est en même temps une expiation et un soulagement ?

Peut-être la répression de la contrefaçon n’est-elle pas assez sévère ; peut-être la peine de la prison devrait-elle frapper le contrefacteur, lors même qu’il n’y aurait pas de récidive. La contrefaçon est une sorte de vol, un vol toujours longuement et froidement médité, un vol qui n’est jamais excusable. Celui qui soustrait un pain de l’étalage du boulanger est souvent un malheureux qui se meurt de faim, et que la vue même de l’objet qu’il convoite pousse au délit. Le contrefacteur est un spéculateur qui calcule dans son cabinet combien il pourra ajouter à sa fortune en s’emparant du bien d’autrui.

Empressons-nous d’ajouter que la propriété littéraire ne sera efficacement protégée que lorsque le gouvernement aura trouvé les moyens de garantir les auteurs et les éditeurs de la contrefaçon étrangère, lorsqu’on fera cesser ce brigandage qui est une honte pour des nations civilisées. Répétons-le, on sévit contre les voleurs, on signe contre eux des traités d’extradition, et on protége les contrefacteurs qui font également main basse sur le bien d’autrui ! Nous savons que le remède est difficile, nous savons qu’il n’est pas au pouvoir de M. le ministre de l’instruction publique de réprimer cet abus. Cependant, quelles que soient les difficultés, il faut s’efforcer de les vaincre. L’opinion et la morale publique viendront en aide aux négociateurs. On est enfin parvenu à réprimer la traite des noirs. Nous espérons que le ministère ne perdra pas de vue les intérêts d’une branche si importante et si honorable du commerce français.


V. de Mars.