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qu’elle puisse être diminuée, obscurcie, par de semblables tentatives, fussent-elles sérieuses et réelles.

Mais, encore une fois, c’est là une préoccupation d’esprit sans fondement aucun. Un avis différent n’est pas une attaque personnelle, et la défense de sa propre opinion n’ôte rien à la gloire de ses adversaires. Les luttes parlementaires, comme les grandes et nobles luttes de la guerre, ne rabaissent personne. Le maréchal Soult le sait ; on le lui a souvent dit, de toutes manières, même à Londres. N’a-t-il pas serré la main du duc de Wellington ? Dans tous les combats, dans les combats parlementaires en particulier, ce n’est pas seulement le succès, avant tout c’est l’habileté, la bravoure, la loyauté, qui en font la grandeur.

Quoi qu’il en soit, maintenant que ce malheureux amendement dont nous ne voulons pas rechercher ici avec trop de curiosité l’origine, le but, la portée, a disparu de la scène, M. le maréchal Soult fera sans doute tous ses efforts, déploiera toute son influence (elle est grande), pour rallier au projet de loi tous ceux que sa parole plus individuelle jusqu’ici que ministérielle avait laissé débander. Veut-il sérieusement fortifier Paris ? Veut-il que la France lui en sache gré ? que ce titre de gloire s’ajoute à tous ceux qui honoreront sa mémoire ? Qu’il s’empare, une fois pour toutes, de cette grande affaire, qu’il la fasse sienne plus qu’elle ne l’est jusqu’ici ; la France ne demande pas mieux que de la lui confier. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’on l’accepte de bonne foi, en homme sérieux, consciencieux. Au surplus, il y a là une immense responsabilité à laquelle rien ne peut le soustraire, car le public croit au maréchal Soult, à son influence, à son autorité, plus que lui-même. Si la loi est adoptée, si elle est adoptée à une grande majorité, si elle est promptement, franchement, loyalement exécutée, le pays en saura gré au maréchal. Si le contraire avait lieu, rien au monde n’empêcherait que l’histoire inexorable n’écrivît ces terribles paroles sur la tombe du vieux guerrier : Par une préoccupation d’amour-propre, il fit en sorte qu’une grande et noble entreprise nationale, la défense de la capitale, du trône, de la France, ne fût pas dignement accomplie. »

Au surplus, ceux des députés des centres qui redoutent de nouvelles crises ministérielles, doivent faire un peu de réflexion sur la situation de la chambre et des partis qui la divisent, et sur la position du cabinet au milieu de cette confusion des langues. Jamais le système représentatif n’a présenté spectacle plus singulier et plus affligeant pour les amis sincères des institutions de notre pays.

Un cabinet qui parle et vote contre la majorité de ses amis ! Une majorité qui, loin de suivre ses chefs naturels, les combat, soutenus qu’ils sont par l’armée opposée ! Un débat qui sans l’intervention habile et loyale de M. Guizot aurait passé par-dessus la tête des ministres, comme s’il se fût agi d’une palme à disputer entre M. Thiers et M. Dufaure, entre M. de Lamartine et M. de Rémusat !

En effet, si l’amendement eût été adopté, le bon sens disait qu’il fallait