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Ce dernier, ardent au combat qui devait terminer la querelle, essaie inutilement de vaincre les résistances de la reine ; elle s’oppose à la rencontre. Ce fut peut-être la plus imprudente et la plus folle marque de tendresse que lui donna Marie ; elle imprimait sur l’écusson déjà souillé de son amant la tache la plus ineffaçable, celle de lâcheté. Alors tous les soldats de Marie se débandent, passent à l’ennemi et la laissent seule avec Bothwell, soixante hommes et ses arquebusiers. Elle parcourt les rangs, montée sur son palefroi, harangue, implore, sollicite les soldats et ne peut en retenir un seul. Enfin, la désertion étant complète, elle demande à parlementer.

— Oui, lui répond Grange, si vous renvoyez cet homme qui est près de vous, l’assassin du roi.

— Je quitterai le duc, et me remettrai en vos mains, si vous me promettez obéissance.

On le promet. L’imprudente reine se livre. Bothwell, avec lequel elle se consulte un moment et qu’elle prend à part, hésite. Elle lui prouve que tout est perdu, qu’il faut se quitter.

— Me tiendrez-vous, lui demande Bothwell, la promesse que vous m’avez faite de ne m’abandonner jamais ?

— Oui.

Elle lui tend la main. C’était un dernier adieu. Il remonte à cheval, et part au galop[1]. Ces deux personnes étaient destinées à ne plus se revoir. Traitée d’abord avec courtoisie par les vainqueurs, Marie veut faire parvenir une lettre aux chefs de son parti, aux Hamiltons.

— Cela est impossible, madame, lui dit Grange.

— Comment ! Osez-vous me traiter en prisonnière ? J’en appelle à votre parole. Vous m’avez promis obéissance.

On ne l’écoute pas ; elle éclate en reproches. Comme à son ordinaire, le danger la réveille, le malheur l’excite, l’irritation met en saillie les élémens violens et tragiques de son caractère.

— Lyndsay, dit-elle à celui que nous avons vu paraître tout à l’heure, l’un des plus farouches parmi les barons confédérés ; — Lyndsay, votre main !

Il tendit cette main, dont il ôta le gantelet de fer. Elle y plaça la sienne.

— Par cette main, s’écria-t-elle, que vous tenez dans la vôtre, j’aurai pour ceci votre tête[2] !

  1. Du Croc, lettre à Catherine de Médicis. Bibliothèque royale.
  2. Archives d’Angleterre, Drury à Cecil, 18 juin 1567.