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LA HOLLANDE.

La littérature chevaleresque et galante, ou, pour nous exprimer plus nettement, la littérature romantique n’était donc acceptée que par la noblesse. Ce n’était pas assez pour lui donner une existence durable. De bonne heure il se forma une littérature anti-romantique dont Maerlant fut le chef. C’était un honnête greffier de la petite ville de Damme, qui vivait vers le milieu du XIIIe siècle. Il se prit d’une vertueuse indignation contre les poèmes fabuleux que l’on traduisait alors en hollandais. À chaque instant il y revient, il les attaque, il les signale au mépris ou à l’animadversion de ses lecteurs. En même temps il s’efforce de ramener par ses ouvrages la littérature dans une autre voie. Il traduit sous le titre de Riimbibel (Bible rimée) la Historia scolastica de Pierre Commestor ; sous le titre de Bestiaris, le Liber rerum, attribué à Albert-le-Grand, la Vie de Saint François, et le Speculum historiale de Vincent de Beauvais. Les ouvrages de Maerlant eurent une grande vogue parmi les graves familles marchandes des Pays-Bas, et on le surnomma le père de la poésie. À la même époque vivait, dans les états du comte Florens V, un clerc nommé Melis Stoke, qui écrivait une chronique rimée de Hollande. Dès ce jour, les œuvres romantiques des trouvères et des minnesingers furent moins lues encore que par le passé. La Hollande venait de trouver, dans les œuvres de Stoke et de Maerlant, les élémens de sa poésie future, poésie sèche, mesurée, didactique, qui s’appuie sur la Bible et sur les livres de morale, et se distrait de son enseignement dogmatique par quelque page d’histoire nationale, ou quelques innocentes descriptions de paysages.

Toute cette première époque de la littérature hollandaise n’est intéressante à étudier que sous le rapport philologique, car elle ne présente, comme nous venons de le voir, que des traductions ou des imitations. Cependant il y a là deux poèmes dont on n’a pas encore trouvé les originaux, et dont on peut, jusqu’à nouvelle information, faire honneur à la Hollande ; l’un a pour titre : Élegast et Charlemagne ; l’autre est un roman du Renard qui ne ressemble pas aux nôtres.

Le poème d’Élegast est le récit d’une de ces mille aventures attribuées à Charlemagne par les chroniqueurs et les légendaires du moyen-âge. L’archevêque Turpin a, comme on le sait, conté d’étranges choses sur l’illustre empereur ; les poètes franco-normands l’ont fait voyager en Palestine[1] ; les poètes allemands le font re-

  1. Travels of Charlemagne, publiés par M. F. Michel.