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sur l’instruction publique en Allemagne et en Hollande, j’avais signalé le mal et indiqué le remède. Après cela, étais-je donc reçu à ne rien faire, et à ne point exécuter moi-même, comme ministre, ce que j’avais tant recommandé comme conseiller et comme écrivain ? Voilà ma réponse aux personnes, même bienveillantes, qui, un peu étrangères à ces matières, se sont étonnées du grand nombre d’ordonnances et de règlemens que j’ai publiés en si peu de temps sur l’instruction supérieure. Si j’ai été si vite, c’est, encore une fois, qu’en arrivant aux affaires, j’avais un but, un plan, des desseins tout arrêtés ; c’est que je savais aussi que le temps m’était mesuré, que les ministères durent peu, et que si je ne mettais moi-même courageusement et promptement la main à l’œuvre, des pensées utiles, long-temps mûries dans mon esprit, couraient le risque d’y mourir. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui des écoles de droit. Depuis longtemps, il n’y a qu’un cri sur les vices de l’enseignement du droit parmi nous, et pourtant qui a commencé la moindre réforme ? Du moins, ai-je fait le premier pas. Mais j’ai donné M. Rossi au conseil royal ; c’est à lui de poursuivre et d’achever la réforme que j’avais entreprise et que j’ai à peine commencée en ce qui regarde les écoles de droit.

Et puis, on n’a pas remarqué que ce grand nombre d’ordonnances, de règlemens et d’arrêtés, ne sont que les diverses faces de deux ou trois idées. Les ordonnances royales posaient les principes, les règlemens entraient dans toutes les dispositions particulières de la matière, et les arrêtés ministériels exécutaient. Je n’ai pas posé dans une ordonnance un seul principe qui ne soit aujourd’hui en pleine exécution.

Voici les principales idées générales auxquelles on peut rapporter tous mes actes relatifs à l’instruction supérieure.

1o  Conformément à tout ce que j’avais dit et répété dans mes ouvrages, je me proposais de substituer peu à peu aux facultés isolées, éparpillées et languissantes sur une multitude de points, un système de grands centres scientifiques où toutes les facultés fussent réunies, selon la pratique du monde entier. Oui, je ne le cache pas, si j’admire profondément l’unité de la France, je ne crois pas que cette précieuse unité fût en péril, parce qu’il y aurait de la vie ailleurs qu’à Paris. Pour me borner à l’instruction publique, je suis convaincu qu’il est possible d’établir, dans un certain nombre de villes, des foyers de lumières qui, en projetant leurs rayons autour d’eux, éclaireraient et vivifieraient de grandes provinces au profit de la civilisation de la France entière. Par exemple, j’ai voulu faire une sorte