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HUIT MOIS AU MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE.

J’ai pensé que le seul remède était ici le retour à l’ancienne législation impériale, le rétablissement du régime commun pour toutes les écoles secondaires privées. Dans l’instruction primaire, la loi ne distingue pas les écoles tenues par des laïques et celles qui sont dirigées par des ecclésiastiques, par exemple, les Frères de la doctrine chrétienne ; pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’instruction secondaire ? Mêmes charges, et mêmes garanties : telle est la législation que je voulais établir, avec les tempéramens convenables. Ainsi, pour les ecclésiastiques, les certificats de moralité pourraient être conférés par les supérieurs dans l’ordre ecclésiastique ; et en supposant que l’on conservât l’impôt universitaire, des remises de cet impôt auraient pu être accordées et réparties par le ministre de l’instruction publique sur la proposition des évêques, d’après le nombre moyen des jeunes gens qui entrent chaque année dans les séminaires, afin que les écoles secondaires ecclésiastiques pussent continuer de servir au recrutement du clergé.

C’était ainsi que j’aurais voulu fonder dans l’instruction secondaire, comme nous l’avions fait en 1833 dans l’instruction primaire, la liberté commune de l’enseignement avec de communes garanties. J’étais parvenu à gagner à ce projet les membres les plus influens de l’une et de l’autre chambre. M. le comte de Tascher, dans plusieurs rapports sur des pétitions relatives à la liberté d’enseignement, avait présenté, d’accord avec moi, les mêmes vues qui avaient obtenu les suffrages à peu près unanimes de la chambre des pairs. J’avais consulté plusieurs ecclésiastiques éminens qui ont adhéré à ce projet, et monseigneur l’archevêque actuel de Paris en avait approuvé l’esprit et même les principales dispositions, dans une conversation que j’eus l’honneur d’avoir avec lui sur ce grave sujet. Je ne crois pas céder à une illusion flatteuse envers moi-même en me nourrissant de l’espoir que ces pensées conciliatrices qui étendaient les droits de l’état en augmentant la liberté de tous, eussent obtenu l’assentiment général et résolu d’une manière satisfaisante le problème compliqué de la légitime liberté de l’enseignement.

Mais il ne faut pas se le dissimuler, l’établissement de la liberté d’enseignement est une innovation grave pour l’Université et pour la société toute entière. J’ose dire que pendant les huit mois de mon ministère, je n’ai pas passé un seul jour, une seule heure, sans préparer l’Université à cette crise redoutable et sans prendre toutes les mesures qui pouvaient mettre les écoles publiques en état de soutenir la concurrence avec les écoles privées.