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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

qui a entendu ces cris de douleur, ne les attribue pas à l’angoisse physique, mais aux peines de l’ame.

Elle se rétablit, retrouve son activité et s’unit intimement aux ennemis de Darnley, à Murray, Bothwell, Huntly, Argyle et Maitland, secrétaire d’état. Ce sont précisément les membres de la ligue formée contre son mari. Ils lui proposent, dans une consultation secrète, tenue à Craigmillar, le divorce et l’exil de Darnley. Elle répond par une vague proposition de se retirer elle-même en France. Alors le secrétaire d’état lui dit ces paroles remarquables : « Madame, nous sommes ici les principaux de votre noblesse et de votre royaume, qui trouverons assurément moyen de vous débarrasser de cet homme (to make your majesty quit of him) sans faire tort à votre fils. Certes, milord Murray, ici présent, n’est pas moins scrupuleux comme protestant que vous comme papiste, et je suis sûr pourtant qu’il regardera ce que nous ferons à travers ses doigts, et ne dira rien à l’encontre. »

À cette proposition enveloppée, mais facile à saisir, de se défaire de Darnley par le meurtre, elle répond en se récriant faiblement « qu’il valait mieux laisser les choses comme elles étaient, et prier Dieu dans sa bonté de porter remède aux maux présens, que de rien essayer qui pût tourner plus tard à son préjudice. » Mais ce refus parut si faible à Maitland, qu’il répliqua : « Laissez-nous faire, madame, et mener tout ceci. Votre grace n’en verra que de bons effets, et le parlement approuvera tout ensuite[1]. »

Le degré de culpabilité de Marie, placée entre Bothwell aimé et ces barons prêts à la débarrasser de son mari méprisé, semble indiqué clairement par cette conversation dont l’authenticité n’est pas récusable. Marie ne dirigea pas le meurtre ; elle en connaissait le plan. Elle le laissa commettre. Elle était avertie et sur ses gardes. Les derniers mots de Maitland prouvaient assez qu’on allait, à défaut de son consentement formel, se charger de l’affaire. En effet, à peine cette conversation a-t-elle eu lieu, l’engagement ou band pour le meurtre, rédigé par sir James Balfour, personnage encore plus hideux que Bothwell, est signé par Bothwell, Maitland, Huntly, Argile et Balfour lui-même. On déposa ce document entre les mains de Bothwell. Les seigneurs croyaient si bien exécuter les intentions de Marie, que l’un des instrumens secondaires de l’assassinat, Ormiston, sollicité par Bothwell, ayant manifesté des scrupules, Both-

  1. Collections manuscrites d’Anderson, tom. IV, pag. 192.