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DE L’ACADÉMIE.

René : « Au terme de sa carrière, dit-il de son grand aïeul, on ne vit point se réveiller en lui ces regrets si ordinaires aux vieillards. Il n’éprouva pas le besoin d’aller goûter dans la retraite le souvenir de ses sacrifices. Il ignora cette sorte de rêverie des derniers jours que produisent les illusions détruites, et qui console de tout ce qui échappe par le plaisir d’en être détrompé. Exempt d’infirmités et de mélancolie, comme un ouvrier robuste, vers la fin de sa tâche, il s’endormit. »

En cette renaissance de toutes choses, on reprenait quelques anciens livres oubliés ; Balzac redevint de mode un instant ; on en publia des pensées, on en causait beaucoup. Il semblait que la société voulût refaire par lui sa rhétorique. Un jour, à Champlâtreux, comme la conversation roulait sur cet auteur, M. Molé, qui l’avait sous la main, l’ouvrit, le commenta : plus d’un auditeur en a gardé le souvenir, comme d’une agréable leçon.

Balzac et sa rhétorique ne venaient, pour M. Molé, que tard, après l’étude de la société, des hommes, des mathématiques, après l’école des choses. Il ne lui en est resté, dans le style et dans la parole, que l’indispensable. Son expression comme orateur est surtout simple. Il s’est fait, dans les luttes parlementaires dernières où il a paru se surpasser, un genre à lui qui n’a rien d’ambitieux et qui persuade. Au milieu des grands éclats et des torrens d’éloquence de tant d’orateurs rivaux, il a trouvé sa veine à part. Ces joutes brillantes des princes de la parole ne sont-elles pas un pur jeu et en pure perte ? demandait-on un jour devant lui ; et il répondait que la plus grande originalité serait encore celle-ci : un honnête homme venant dire simplement et clairement des choses sensées. J’appuie cet amendement proposé à l’antique définition de l’orateur.

Ce tact, cette justesse délicate qu’il n’a cessé de garder sur des scènes plus passionnées, ne pouvait lui manquer au sein de l’Académie, où il est permis d’en faire preuve à loisir. Je ne relèverai que quelques traits du discours çà et là. On a fort applaudi et l’on goûte de nouveau à la lecture cette parole de moraliste sur l’indulgence : « Pour moi, je le confesse, le résultat d’une longue suite de jours, qui ne sont pas sans souvenirs, n’aura pas été uniquement de rendre mes convictions d’autant plus inébranlables, mais aussi, mais surtout de m’apprendre que l’indulgence, dont on se vante, a encore des rigueurs que n’aurait pas une complète justice. »

De simples mots ont produit un effet au passage : « Voilà, me dit-il un jour (en parlant de l’abbé Émery), voilà la première fois