Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
DE L’ACADÉMIE.

fonctions, les services rendus à l’état dans la carrière publique, sont et seront toujours des indications pour les choix, pourvu qu’il s’y joigne à l’appui un accompagnement, un prétexte littéraire, ou un retentissement d’éloquence.

La société est faite ainsi, elle a ses raisons. Si littérateur qu’on soit ou qu’on se fasse, je ne saurais y voir un grand inconvénient. Le danger pour l’Académie, si danger il y avait, ne viendrait jamais de quelques hommes distingués et lettrés du monde politique ; il viendrait des gens de lettres médiocres s’attroupant en bloc, se coalisant ou se déchirant. Si, par grand hasard et malheur, un Trissotin se glissait dans l’Académie, oh ! pour Dieu ! qu’il n’y ait du moins jamais de Vadius ; ou si Vadius s’y trouvait installé sans qu’on sût comment, pour Dieu ! alors qu’on n’y reçoive jamais Trissotin. Échapper toujours aux ridicules littéraires, c’est beaucoup, c’est difficile pour un corps ; mais surtout ne jamais donner accès aux vices littéraires, voilà le possible et l’essentiel. Les vices littéraires sont ce qu’il y a au monde de plus bas et de plus vil ; la littérature actuelle en abonde. Je conçois que l’Académie mette du temps et grande réserve à trier.

Pour les gens de lettres eux-mêmes, s’ils en valent la peine, il n’est pas sans profit d’attendre la fin de l’épreuve et de n’arriver à l’Académie qu’un peu sur le tard. Le mieux est d’avoir fourni auparavant tout ce qu’on peut en plein air, avec ses coudées franches. Même dans les plus beaux jours du passé académique, de bien illustres, il est flatteur de se le dire, sont entrés tard et bien tard : Boileau, La Fontaine, Voltaire :

Et j’avais cinquante ans quand cela m’arriva.

Une compagnie d’honnêtes gens, aimant les lettres, y arrivant, y revenant de bien des côtés, se plaisant à en causer dans leur âge mûr, ou sur leurs vieux jours, s’y réconciliant, s’il le faut, et croisant sur un même point, sur un mot de vocabulaire, des pensées d’origine bien diverse, ainsi je me figure la réunion de famille et le tous-les-jours de l’Académie.

En face du public, c’est autre chose, c’est la distribution bien entendue de revenus assez considérables, la dispensation de certaines récompenses littéraires, la provocation à de certains travaux ou exercices plus ou moins bien choisis. Il y a enfin dans l’Académie le grand corps de l’état, je passe et m’incline.

Un des hommes qui ont caché et enterré le plus d’esprit sous le plus d’érudition, Gabriel Naudé, assistant à la fondation des Acadé-