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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

— Ma conscience me dit le contraire.

— Votre conscience n’est pas éclairée.

Knox la quitta, et cette scène shakspearienne, que lui-même a rapportée[1], se termina ainsi. « Je ne m’y trompe pas, dit-il aux protestans. Il n’y a rien à espérer de cette femme : elle est pleine de finesse et d’un esprit altier. » La séduction et la controverse n’ont pas réussi à Marie, caractère fervent et tragique, que la présence même de Knox ne fait pas plier. Il faut voir, dans les curieuses et inédites lettres de Randolf, agent d’Élisabeth, cette jeune reine, qui n’a pas vingt ans, aller mettre le siége devant le château d’Inverness, dont on refuse de lui ouvrir les portes. « Nous étions là, tout prêts à combattre. Ô les beaux coups qui se seraient donnés devant une si belle reine et toutes ses nobles dames ! Jamais je ne la vis plus gaie et plus alerte, nullement inquiète. Je ne croyais pas qu’elle eût cette vigueur (such stomach). — « Je ne regrette qu’une chose, disait-elle, c’est de ne pas être homme pour savoir ce que c’est que coucher au bivouac et monter la garde avec un bouclier de Glascow et une bonne épée, une lanterne et un manteau ! » Tout ce qui était aventure plaisait à Marie, toute son ame en était émue. À ses velléités guerrières, à ses courses dans le nord et dans les montagnes sauvages, à ses controverses imprudentes avec Knox, à ses conversations hautaines avec les envoyés d’Élisabeth, elle joignait, pour se consoler, la coquetterie et la culture des arts.

« Il la falloit voir (dit Brantôme) habillée à la sauvage, à la barbaresque mode des sauvages de ce pays : elle paroissoit, sous habit barbare et en corps mortel, une vraie déesse… Elle avoit cette perfection pour mieux embrâser le monde, la voix très douce et très bonne ; elle chantoit très bien, accordant sa voix avec le luth, qu’elle touchoit bien solidement, de ces beaux doigts bien façonnés qui ne devoient rien à ceux de l’Aurore. » Cette élégance, loin de plaire aux calvinistes, les révoltait profondément. « Quoi ! disait Knox, la Guisienne parodie la France ! Farces, prodigalités, banquets, sonnets, déguisemens ; à son entrée dans les villes, un petit Amour descendant des nuages, lui en présente les clés ; le paganisme méridional nous envahit. Pour suffire à ces abominations, les bourgeois sont rançonnés, le trésor des villes est mis au pillage. L’idolâtrie romaine et les vices de France vont réduire l’Écosse à la besace. Les étrangers que cette femme nous amène ne courent-ils pas la nuit dans la

  1. Knox, Hist., pag. 311, 315.