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REVUE DES DEUX MONDES.


Quand le héros à son aurore,
Si loin du zénith radieux,
Brillait seulement à vos yeux
D’une épaulette neuve encore ?

Mais il parle : adieu, songe vain !
Dites-lui que dans ma retraite
Sa voix parvenue a soudain
Réveillé son jeune poète.

Me voici ! ........
............

Suivez, suivez Napoléon,
Mes chants, de rivage en rivage,
Et que puisse ainsi d’âge en âge
Mon nom accompagner son nom !

Que puisse ma muse fidèle
À sa gloire à jamais s’unir !
Aigle, je m’attache à ton aile :
Emporte-moi dans l’avenir.

Ces vers n’ont jamais été imprimés. D’autres vers que M. Lebrun avait composés sur la mort d’un fils de la reine Hortense, de cet enfant si cher à Napoléon qui le pleura, sont également restés en portefeuille avec une quantité de petites pièces. Sous l’Empire, il y avait cela de particulier : on pouvait faire des vers élégiaques, plus ou moins intimes, mais on les gardait, et en public, si on visait à la gloire, on ne donnait que des rimes grandioses sur des évènemens héroïques, sur des sujets qu’on s’appliquait à traiter. La poésie se piquait d’être encore plus cérémonielle que sous Louis XIV. Les inconvéniens de ce trop de respect nous ont sauté d’abord aux yeux ; ils devraient être jugés moins sévèrement aujourd’hui que nous savons l’excès contraire et que nous sommes tombés dans le déshabillé.

Alors du moins on croyait à la grandeur ; des types élevés, bien qu’un peu stériles, dominaient sincèrement les ames. Il y avait des buts marqués, des couronnes ; il y avait carrière. Toucher à la palme tragique une ou deux fois dans sa vie, c’était le rêve immortel. La voie sacrée, la route au Capitole sous le soleil, semblait ouverte, mais difficile, et l’honnête louange enflammait. Cela fait rire aujourd’hui qu’on jouit encore plus qu’on ne s’afflige de toute la variété de vices d’une littérature sans frein et prodigieusement inventive. Le