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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

A fait ou défait la couronne :
Certes, mon esprit s’en étonne,
Pourtant je le puis concevoir.

Mais de moi ! Mais qu’il se souvienne
Qu’autour du char qui l’a porté,
Parmi les voix qui l’ont chanté
Il n’a plus entendu la mienne !

« On dit qu’il s’endort ! » — Votre esprit
N’a-t-il pas trompé votre oreille ?
Napoléon, eh ! qui t’a dit
Si je m’endors ou si je veille ?

Grand homme, qui pourrait dormir
Au bruit dont tu remplis la terre ?
Est-il séjour si solitaire
Qui ne l’entende au loin frémir ?

Mais quoi ! voilerai-je un mensonge
De mots si pleins de vérité ?
Oui, je dormais, oui, d’un doux songe
Mon cœur se berçait enchanté.

D’une autre idole que la Gloire
Je faisais mon cher entretien :
Un nom qui n’était pas le tien
T’avait distrait de ma mémoire.

Les jours, les nuits à mes travaux
N’étaient plus que de longues trèves ;
Je ne voyais plus dans mes rêves
Flotter ton aigle et tes drapeaux.

N’as-tu jamais, à pareil âge,
Toi-même, si plein d’avenir,
Pour quelque brune ou blonde image
Perdu tout autre souvenir ?

Que Caroline me réponde :
Dites, vous la première amour
De ce cœur qui devait un jour
Battre pour l’empire du monde,

Dites, n’a-t-il jamais dormi
Sous les cerisiers de Valence,
Aux temps d’ivresse et d’innocence
Où vous l’appeliez votre ami,