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vous plaît. » Et voilà pourquoi, entre autres motifs à l’appui, elle eut toute raison, l’autre soir, de reparaître dans le personnage de l’illustre infortunée à qui elle avait dû une joie d’enfance ; voilà pourquoi elle eut raison de vouloir dire, aux applaudissemens de tous, ce mot de fierté qu’elle relève si bien :

Si le ciel était juste, indigne souveraine,
Vous seriez à mes pieds, et je suis votre reine.

Son succès devant cette salle d’élite a été réel ; à quelques endroits on a pu regretter que le peu de force de son organe ne lui permît pas l’expansion. Elle a triomphé pleinement dans la dignité. Quant à l’œuvre dramatique, pour tous ceux qui veulent tenir compte de ce qu’était et de ce que devait être une tragédie avant que les moules fussent brisés, même une tragédie en voie de renouvellement, elle a fait tête à la reprise. Le mérite de l’innovation première n’y pouvait plus être manifeste ; on s’est trouvé plutôt sensible à ce qui y reste nécessairement de l’appareil traditionnel. Eh bien ! à ce point de vue, on doit le rappeler aux plus sévères, l’intérêt, un intérêt élevé n’y a pas fait faute aux grands momens voulus et désignés par l’art dans l’architecture graduée de cette forme classique. Les applaudissemens en tragédie, comme le tonnerre sur les temples, doivent tomber là où il faut. Ici, dans Marie Stuart, il y a eu la grande scène du troisième acte, et le pathétique de tout le cinquième.

Mais, pour rester bon juge de la valeur de cette œuvre distinguée, pour ne rien méconnaître des mérites sérieux qu’on y salua si vivement à sa naissance, pour garder tout respect enfin à une pure impression de notre jeunesse, il y a à revenir aux circonstances même où la pièce s’est produite, voilà plus de vingt ans, et au point de départ qui avait précédé. Et quelle est l’œuvre tragique, de celles qu’on appelle simplement distinguées, qui, à l’occasion et à l’aide d’une seule actrice, se pourrait reprendre au théâtre, après vingt années, sans causer une hésitation d’un moment, et sans réclamer du spectateur par endroits quelque juste complaisance ? Je n’excepte qu’à peine ce petit nombre de chefs-d’œuvre qui furent comme doués du souffle immortel, revêtus de l’enchantement du style et marqués au front des signes de l’impérissable beauté :

........Lumenque juventæ
Purpureum et lætos oculis adflarat honores
.

Et encore ces œuvres-là, si la vénération ne s’en mêlait et n’ache-