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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

si facile) en raison même de l’écho fameux, contre l’œuvre déjà ancienne d’un auteur très vivant et arrivé par les voies les plus honorables aux dignités littéraires et sociales.

Et puis ce qu’on appelait réaction classique, qui roulait, après tout, sur les rôles d’une seule actrice, et, à cette occasion, se reprenait à vénérer les styles de Corneille et de Racine, n’allait pas jusqu’au fond, j’ai regret de le dire, ni jusqu’à restaurer le moins du monde la forme de la tragédie à proprement parler, laquelle restait encore avec tous ses inconvéniens inévitables de lenteur, de raideur et de convenu. L’honneur de M. Lebrun, dans Marie Stuart, était bien d’avoir, le premier sous la restauration, détendu les vieux ressorts tragiques, mais dans une mesure qui dut être surtout sensible alors. Sa pièce de 1820 n’était autre, après tout, qu’une tragédie.

Voilà ce qu’on se pouvait dire, ce que le poète aurait pu opposer aux idées de reprise, s’il avait mieux aimé sa tranquille possession de renommée que l’art même, si long-temps glorieux, qu’il a, pour sa part, cultivé d’un noble effort, et qu’il parut, à un certain jour, avoir agrandi. — « J’irai voir ce soir vos Templiers, disait quelqu’un à M. Raynouard vers 1836. » — « Vous n’irez pas, » répondit-il. — « Et pourquoi ? » — « Je vais de ce pas moi-même défendre à la Comédie de les jouer. Je ne veux pas reparaître comme Sully sous Louis XIII. » Ainsi répliqua brusquement le vieux et excellent philosophe-philologue de son ton le plus grondeur.

Mais c’eût été ici par trop grondeur, et rien n’eût absous la bonne grace du poète d’aller riposter de la sorte à des désirs de reprise qui lui venaient au nom du jeune talent même que le public avait si vivement adopté. La reprise de Marie Stuart n’était pas seulement pour la Comédie-Française une démarche naturelle et tout-à-fait indiquée ; elle était pour Mlle Rachel un rêve d’imagination ; disons mieux, une délicatesse de reconnaissance et comme un vœu. De nobles patronages, de hautes amitiés, qui ne sont pas étrangères à ce grand nom des Stuarts, agirent-elles en effet sur elle pour la fixer dans ce choix ? Mais il y avait plus, et l’idée du choix date d’auparavant. Toute petite fille, et à ses jours de pire misère, la digne enfant avait joué au théâtre Molière ce rôle de Marie Stuart ; un vieil amateur en sortant se récriait : « Quelle est donc cette petite fille qui vient de jouer si bien ? Qu’elle a d’intelligence ! Que je la voudrais connaître ! » — « C’est moi, monsieur, répliqua-t-elle en se retournant brusquement dans le couloir, son petit cabat à la main, c’est moi-même ; mais donnez-moi donc deux sous, pour m’acheter de la galette, s’il